lavoixcitoyenne

Dilemme !

J’ai dû quitter très tôt le boulot pour éviter les embouteillages afin de rentrer changer ma tenue et être prête à temps pour mon rendez-vous. Je suis arrivée 30 mn avant l’heure convenue avec mon ami. Assise dans la voiture ; je soupèse le pour et le contre de ma décision. Je regarde une nouvelle fois ma montre ; il est 20 h 15 et je fixe la porte d’entrée du restaurant à travers les vitres teintées de ma voiture. De loin, je l’aperçois qui avance vers la rentrée du restaurant. Avec son sourire charmeur qui laisse apparaître sa belle dentition et sa belle chemise « leppi », il se fait accompagner par un serveur jusqu’à une table à l’écart. Il se tortille les doigts et a soudain l’air agacé ; est-ce par ce qu’il a un problème ? Ou croit-il que je suis à retard ? Pourtant il sait que la ponctualité est mon second nom.

Cela fait six mois que lui et moi nous ne sommes pas vus. Il est en mission et à souhaiter dîner avec moi pour me parler d’un sujet important.

Je suis arrivée au lieu de rendez-vous avant lui, mais je me débattais avec mes doutes, mes questionnements. Est-ce une bonne idée ? De quoi veut-il me parler encore ? Doute-t-il de mes sentiments pour lui ? Dois-je lui avouer la vérité ? Non, sous nos cieux, au risque de paraître impudique, une femme ne doit pas avouer ses sentiments. Sommes nous pas des humains ? Tu n’auras pas de réponses en restant dans la voiture, me susurre une voix !
Je me donne une contenance avant de me décider à descendre du véhicule et à le rejoindre. Je rentre dans le resto et marche nonchalamment en direction de sa table ; plus j’approche, plus mon angoisse augmente. Il est de dos et visiblement occupé au téléphone au point qu’il n’a pas remarqué mon arrivée.

J’inspire profondément une énième fois avant de tirer une chaise sur laquelle je m’installe. De ma place, je vois la porte d’entrée ainsi que la cuisine. En attendant qu’il finisse sa conversation téléphonique, je fais signe qu’on m’apporte le menu. Une serveuse approche avec un sourire en se dandinant les fesses, elle me tend le menu et lance un coup d’œil à mon ami ; je la foudroie du regard avant de me concentrer sur le menu. Ce petit numéro de la serveuse m’agace. Une émotion amère me serre la gorge : est-ce de la jalousie, la colère ? Je ne parviens pas à y mettre un nom. Je ne devais pourtant pas ressentir cela, alors là pas du tout ! Mais la réalité crève les yeux ; je suis amoureuse de lui. Il faut que tu te ressaisisse jeune fille ; me dicte ma conscience !

-Heyo, ici la terre ; merci de me faire l’honneur de ta présence. 
J’ai sursauté en faisant tomber le menu. J’étais tellement plongée dans mes pensées que je ne m’étais pas rendue compte qu’il avait fini sa conversation.
-Tu pensais à quoi ?
-Bonjour, je vais bien et je suis ravie de te revoir.
-Ne te défile pas ; réponds moi.
-Si on passait nos commandes. Une manière d’esquiver sa question.
Tête baissée, je piochais dans mon assiette et lui observais à la dérobée. Je me fais peut-être des idées, mais il m’a l’air contrarié. Avec les yeux cernés, on sent qu’il a fait des lustres sans sommeil. Ce soir là, mon ami qui, d’habitude est bavard comme une « pie », est beaucoup trop silencieux comme une caverne de brousse. 
Son silence devenait trop pesant pour moi, il me faut trouver un moyen de le briser sans le brusquer.
– Alors, dis elle a été ta journée ?
Il me répond sèchement ; ce qui n’est pas dans ses habitudes et confirme mes doutes.
– T’as pas touché à ton repas, qu’est-ce qui se passe ?
– Rien !
– Si t’as un problème, tu peux m’en parler tu sais
– Oui, je sais pas besoin de me le rappeler.
– Pas besoin d’être désagréable avec moi. J’essayais juste de savoir ce qui ne va pas. D’ailleurs, pourquoi m’avoir invitée à dîner si c’est pour passer la soirée à être grincheux ? Je ne lui laisse pas le temps de répondre que j’enchaîne avec mes questions.
– T’as un problème au boulot? T’as encore pris une décision foireuse avec ta meuf ?
– Rien de tout ça.
– Je te connais trop bien pour savoir que quelques choses ne va pas et que tu m’as pas fait venir juste pour dîner.
– C’est une longue histoire !
– fais moi le résumé !
-………………………………………………………………………………..

Nous nous connaissons depuis plus de cinq ans. De fil en aiguille, notre relation s’est raffermit, une sorte de complicité s’est installée entre nous. Nous apprîmes à nous apprécier et à nous respecter mutuellement ; j’étais devenue sa confidente…J’ai toujours apprécié son côté fougueux, son altruisme, sa passion débordante, son ouverture d’esprit, son niveau de maturité et de culture… Alors comprenez mon insistance.
Spontanément je lui prends les mains pour lui insuffler de la confiance ; il lève ses yeux vers moi. Dans son regard, j’y décèle de la tristesse, ses beaux yeux ont perdu de leur éclat. Il marmonne des choses à peine audibles. 
– Je veux bien t’apporter mon aide, mais je n’ai pas de super pouvoir pour deviner ce qui ne va pas alors parles, stp.
Il ne me reste plus qu’à le secouer pour espérer qu’il parle et pour cela, il me faut un stratagème. 
– L’addition s’il vous plaît
– Qu’est-ce que tu fais ?
– C’est pourtant clair non, je paie ma commande et puis je me barre d’ici.
– Non, reste je vais essayer de t’expliquer ce qui me tracasse.
– Je ne demandais que ça depuis, là, je suis toute ouïe !
Il sourit avant de se lancer dans une longue diatribe :
-Tu sais que ma famille est foncièrement ancrée tradition et l’endogamie occupe une place prépondérante. Et voilà qu’à cause de cette fichue tradition, je me retrouve entre deux feux : d’un côté la fille dont je suis éperdument amoureux et de l’autre la femme qui m’a mise au monde. Je veux épouser la 1ère mais ma mère s’y oppose avec le soutien de tous les autres membres de ma famille. Ils ont déjà fait un choix pour moi ; ma cousine. Le fait est que je ne supporte plus toute cette pression et les menaces de part et d’autres. Et je ne sais plus à quel saint me vouer. J’ai besoin de tes conseils toujours avisés. 
Plus il parle, plus ça me fend le cœur…je suis presque au bord de l’infarctus, mais je dois me ressaisir et à contrecœur venir en aide à mon ami.
– Heyo tu m’écoutes ?
– Oui, désolée j’étais entrain de réfléchir à une solution pour toi – je sais que je me mens, mais je ne me vois plus lui avouer la vérité – pour le moment, je te conseillerai de te battre pour ton amour. Tu seras celui qui se réveillera à ses côtés chaque matin et non les membres de ta famille. Mais en le faisant, fais le avec tact et surtout ne vexe pas la maman. N’oublie pas, elle restera toujours celle qui te soutiendra, te bénira et ce peu importe les difficultés.

L’entendre dire qu’il est amoureux d’une autre, alors que de mon côté je me bats contre mes sentiments pour lui est tout simplement frustrant. Mais je vais devoir les faire taire quitte à en souffrir. Il est pourtant indéniable qu’il est difficile de faire taire ses sentiments surtout lorsqu’ils sont profonds et sincères. Quoi tu abandonnes si facilement me demande cette voix intérieure ?

On s’est quittés lui plus souriant qu’à son arrivée et moi complètement dépitée.

P.S : Cette histoire est le fruit de mon imagination; toute ressemblance avec des faits existants n’est que pure coïncidence.


A cœur ouvert : J’ai frôlé la dépression

En me lançant dans le blogging, je ne m’imaginais jamais parler de moi dans un billet parce que j’ai toujours appris à confier mes secrets à mon journal intime. Le seul témoin de mes moments de doutes, de mes peurs…bref, le gardien de mes secrets les plus enfouis. Ceux qui me connaissent bien savent que j’évite d’aborder des sujets trop personnels ou de parler de moi. Un ami m’a dit un jour ceci : « qu’écrire sur soi c’est se donner en offrande aux dessins des immondes ». D’ailleurs, je me suis toujours demandé comment les autres faisaient pour aborder des sujets personnels sans gêne, raconter leurs vécus et surtout les partager. Mais à mon tour, aujourd’hui, j’ai décidé de me jeter à l’eau et peut-être…en pâture.

Dans ce billet, je m’apprête à me dévoiler, à parler de comment j’ai combattu la dépression…L’idée de la publication du contenu de ce billet ne m’a jamais traversé l’esprit. Du moins, jusqu’à un récent échange que j’ai eu avec une amie qui se bat contre la dépression. Elle affronte cette dernière, depuis des mois et a même failli, me dit-elle, s’ouvrir les veines. Heureusement, son mari est intervenu à temps pour l’en empêcher. Mais avant d’en arriver à cet extrême, elle avait lancé un SOS auprès de sa famille. Mais personne n’a prêté attention à son appel de détresse. D’aucuns l’ont même traitée d’écervelée. D’autres l’ont mise en garde contre les risques pour elle de gâcher la chance et le bonheur (boulot, enfant, mari) qui sont les siens. Je ne jetterai pas l’opprobre sur cette famille. Généralement, sous nos cieux, il en est ainsi. Les plaintes relatives à la dépression sont assimilées à de simples caprices, sinon à une inacceptable absurdité. En somme, la dépression passe pour une « histoire de Blancs ». Pourtant, une écoute en apparence banale peut éviter des drames. Comme celui qui se serait produit si mon amie s’était effectivement suicidée. Soit !

Ceci dit, sa situation à elle m’a fait pousser des ailes et m’a convaincue de la nécessité d’en parler. Contrairement à elle, je n’ai parlé de ma dépression à personne jusqu’à aujourd’hui. Je l’ai dit à l’entame de ce billet, je ne sais pas extérioriser ce que je ressens. C’est mon plus grand défaut d’ailleurs. Je ne sais pas me confier. Je ne sais pas m’ouvrir aux autres. Je préfère affronter seule mes problèmes, combattre mes démons et braver les obstacles qui se dressent sur mon chemin…Mes parents et mes ami (es) m’ont toujours fait le reproche. J’ai cette capacité à dissimuler mes chagrins et peines dans un sourire sans éveiller le moindre soupçon, même pour la personne la plus attentionnée au monde.

Alors si aujourd’hui, j’ai décidé de parler ouvertement de mon combat contre la dépression, c’est bien parce que quelque part, j’espère que ceci peut aider tous ces gens qui traversent la même situation en silence. Bien sûr, chaque cas est diffèrent et chacun vit et combat la sienne de façon unique.

Nous sommes en 2017, je venais de passer les 8 premiers mois de l’année sans anicroche. Tout était normal dans ma vie, je baignais dans un pur bonheur. J’étais fière de moi et de ce que j’accomplissais jusqu’à cet après-midi du mois de septembre, où tout a basculé. Au début, j’ai pensé à une mauvaise humeur passagère. Mais il n’en était rien.

Vous savez que vous vous sentez mal, que quelque chose vous tourmente et vous brise au plus profond de votre être. Mais vous n’arrivez pas à mettre un nom dessus. Votre esprit farfouille le passé à la recherche d’un détail susceptible d’avoir pu provoquer cela : une trahison, une déception, un coup de massue, une injustice…mais NADA. C’était mon cas à l’époque. Et croyez moi, ceci est deux fois plus pénible à vivre que la dépression elle-même.

Comme tout être humain, il m’arrive souvent de me sentir mal et d’avoir l’envie de tout plaquer. Mais je ne m’étais jamais sentie aussi mal. Le plus terrible cependant, c’était l’impossibilité de trouver une explication rationnelle à cette situation. Ce que j’ai vécu en 2017 n’était comparable à aucune des situations que j’avais traversées par le passé.

Au fil des jours et semaines, je ressentais une certaine angoisse. Mon humeur changeait, je devenais hystérique, une impression de vide s’emparait de moi. Je travaillais sur plusieurs projets importants. Aussi, j’ai mis mon malaise sur le compte du surmenage, des difficultés quotidiennes, des contrariétés, du stress et de la forte pression que je subissais. C’est l’alibi que mon esprit voulait accepter.

Durant des semaines, toutes ces choses enfouies et rejetées ont fini par devenir ingérable et un beau matin ça m’a explosé en pleine face. La détonation était si forte que pendant des semaines, j’ai souffert des crises de panique, d’angoisse et d’insomnie. Toutes ces crises étaient accompagnées de palpitations, migraines et des chutes vertigineuses de ma tension. Étant naturellement hypotendue avec quelques soucis cardiaques, j’ai tout de suite fait le lien et établi mon propre diagnostic. Mais il me fallait aller voir mon cardiologue pour confirmation. Son diagnostic était sans appel : tout ceci n’avait aucun lien avec mon problème cardiaque, mais que c’était plutôt des signes d’un début de dépression et qu’il me fallait en parler à un spécialiste. Entendez par-là, aller voir un psy. Dans ma tête, mon cardiologue avait perdu les boules. Jamais je n’irai parler à un psy, fût-il un génie dans son domaine. En fait, je refusais tout simplement d’accepter que j’étais peut-être dépressive ; d’admettre que cela pouvait m’arriver. Alors, je me suis obstinée à croire que c’était juste une crise passagère, sauf que c’en n’était pas une, et que je me gourais.

Après trois mois, je continuais à sombrer et ma souffrance s’accentuait de plus belle. Elle était d’une cruauté infernale, inouïe. Le rythme de mon sommeil était bouleversé avec des troubles digestifs, ce qui en soi est très dangereux pour quelqu’un d’hypotendu. Malgré toute cette panoplie de sentiments contradictoires, je refusais de voir la réalité en face et de chercher de l’aide. Il a fallu que je fasse une crise qui a duré je ne sais combien d’heures pour me rendre à l’évidence et réaliser que j’avais bel et bien un problème, que j’étais mal en point. Et même après, je me suis obstinée à ne pas en parler. Mon côté têtu opposait un niet catégorique.

Pour échapper à mes démons intérieurs, j’étais devenue 4 fois plus productive. Pour moi, il était inconcevable que je sois peut-être dépressive et ne pas faire quelque chose. Disons que j’avais besoin de m’occuper l’esprit. Sauf que j’enchaînais décision foireuse sur décision foireuse.

Vu de l’extérieur, j’agissais comme si tout allait bien. Aux yeux du monde, j’étais heureuse et épanouie, alors qu’au fond je me noyais.

Le jour, je faisais bonne figure. Même si pendant les heures de travail, il m’arrivait de me cacher dans les toilettes pour ruminer mon mal. Mais je veillais à ce que personne d’autre ne s’en rende compte et j’y ai réussi ! Je refusais de laisser transparaître ma douleur. La nuit, seule dans mon lit à me tordre de douleurs, j’étais en proie à des doutes.

La prière et la méditation m’ont sauvée de la dépression

Cette situation avait trop duré et je ne m’en sortais pas. En parler ? Il n’en était pas question. Que faire alors ? Entre temps, une occasion de voyage s’est présentée et j’ai sauté dessus. Je me suis envolée pour le Sénégal où je suis restée 6 mois. Inconsciemment, j’espérais et priais pour que ce changement d’air me permette d’en finir une bonne fois pour toute avec cette situation. Là aussi, je me méprenais. Lorsqu’on combat la dépression, il ne vous suffit pas de changer d’air, de partir pour qu’elle disparaisse comme par enchantement. Non, elle vous suivra comme votre ombre jusqu’à ce que vous décidiez de l’affronter. Alors, j’ai continué à broyer du noir, encore et encore.

J’avais longtemps joué à l’autruche en feignant d’aller bien ; il était grand temps que j’y mette un terme. C’est comme ça qu’un beau matin, j’ai décidé de faire de la méditation matinale et des prières surérogatoires la nuit.

Tous les jours, pendant des heures, j’avais un tête-à-tête avec mon MOI intérieur. Au début, je ne vous cache pas que c’était ardu pour moi de refouler les pensées négatives qui asticotaient mon esprit. Mais je m’efforçais à ne me concentrer que sur celles qui me procurent du pur bonheur. Pendant mes heures de prières, il m’arrivait de verser des torrents de larmes.

Aujourd’hui encore, j’ignore totalement l’élément déclencheur de ma dépression. Mais une chose est certaine : j’ai réussi à la vaincre. Et grâce à cette épreuve, je « réapprend» à vivre, à faire passer mon bonheur avant celui des autres, à me reconstruire, à m’écouter, à combler mes moindres désirs, à me réaliser, à jouir pleinement de chaque instant et à me recentrer sur moi.

S’il y a une leçon à tirer de cette épreuve, c’est que pour vaincre la dépression, il faut accepter et admettre qu’on en souffre. Ensuite, en parler. Sur ce point, ne pas suivre mon exemple. Parlez-en, cherchez de l’aide et du soutien. Au mieux vous aurez des conseils avisés et du soutien ; au pire, vous continuerez à sombre. Mais dans les deux cas, parlez-en. Je n’en ai certes pas fait à l’époque. Mais je touche du bois, s’il m’arrivait de revivre la même situation, j’en parlerais.

En écrivant ces lignes, j’ai revécu chaque instant de ces moments. C’était à la fois douloureux, libérateur et apaisant. Ne dit-on pas que l’écriture est une thérapie ?


La lecture et moi, un amour

À 4 ans déjà, j’étais très espiègle, casse-pieds, une vraie peste…comme un ouragan, je ravageais tout sur mon passage. Semble-t-il, du moins. Les livres de mes frères et les postes-récepteurs de maman en payaient le prix fort. Je chiffonnais souvent les livres, détruisais les radios et personne ne me sanctionnait parce que papa prenait toujours ma défense. Bien entendu, cela poussait davantage mes ailes, mais ça n’a point duré longtemps. Je me souviens qu’un soir après le dîner, alors qu’ils (frères) révisaient leurs leçons, profitant d’un moment d’inattention de mes parents, je me suis faufilée jusqu’à la table pour prendre le livre de mon frère et le déchirai avec entrain. Mon frère furieux se plaignit et papa avec un calme légendaire promit de régler mon cas. C’est ainsi, un soir en rentrant du boulot, il m’acheta le syllabaire à la place de mes bonbons. Comme à l’accoutumée, je reconnaissais de loin le bruit de sa voiture et m’empressais toujours d’aller l’accueillir (oui oui l’appât du gain😃). Ce soir-là, grande fut ma déception de voir qu’en lieu et place de mes bonbons, il me tendait un livre en disant ceci : « Nénen Sow, regarde je t’ai acheté un ami et lui il va t’apprendre beaucoup de choses. Dorénavant, comme tes frères, chaque soir tu vas les rejoindre à table pour lire. » Moi comme une possédée, je me roulais sur terre, pleurais pour réclamer mes bonbons, je ne voulais pas de cet « ami » qui allait m’empêcher de courir partout et de me poser parfois devant la télé avec mes parents. Papa entra dans une colère noire que je ne lui connaissais pas jusque-là et m’intima l’ordre de prendre le livre. Ce que je fis sans me faire prier et courus par la suite me cacher derrière maman. C’était pour moi l’une des pires sanctions qu’on m’ait infligé. Je le voyais chaque soir avec mes frères et je n’étais pas prête à vivre cela…Je voulais continuer à être cet enfant insouciant qui donne du fil à retordre à toute la maisonnée. Mais hélas, c’était sans compter avec la détermination de mes parents à m’apprendre à lire, alors que je n’avais que 4 ans.

Petit à petit, ce que je considérais comme un purgatoire, devenait mon hobby préféré au quotidien. Je commençais à apprécier la compagnie de mon « ami », prenais goût à la lecture et je me rendais compte que papa n’avait pas tort. Mon frère et mes parents ne ménageaient aucun effort pour faciliter mon apprentissage. Avant même mon entrée à l’école; j’étais devenue une férue de lecture, je lisais tout : tout ce qui me tombait dans la main (journaux, livres de papa, romans de maman, dictionnaire, cahiers et livres de mon frère…). Même si mon cerveau avait du mal à assimiler certaines choses et à comprendre la signification des mots, je lisais quand même. mon inscription à l’école coranique contribua davantage à stimuler mon cerveau et à faciliter la compréhension des choses. Papa m’acheta de nouveau les livres (Mamadou et Bineta lisent et écrivent couramment; Mamadou et Bineta sont devenus grands.)

Je peux dire sans risque de me tromper que c’est à partir de cette période-là que mon amour pour la lecture a commencé et que cela a fini par devenir une passion. Encore aujourd’hui, mes yeux frétillent toujours devant un livre et je suis toujours en extase lorsque je parcours des récits palpitants, lorsque je découvre de nouveaux livres.

J’avais 7 ans quand mon frère m’offrit mon tout 1er roman (une vie de boy, de Ferdinand Oyono) et un dictionnaire pour comprendre le sens des mots. Par la suite, ils me faisaient tous plaisir en m’offrant ou prêtant des livres. Maman et mon frère me faisaient lire leurs livres et après je leur faisais un résumé (c’était le deal). Je crois sans risque de me tromper que c’était aussi une façon pour eux de cerner mes capacités d’analyse et de discernement. J’adorais beaucoup ces moments parce qu’ils me permettaient à moi aussi d’avoir un autre avis sur le livre. Aujourd’hui, tout ça me manque.

J’ai lu presque tous les anciens classiques avant le collège et le lycée – la chance d’avoir un frère et une mère férus de lecture. Ce qui faisait qu’en cours de français, j’avais une certaine longueur d’avance sur mes ami.e.s.

En 2016, ma passion pour la lecture s’était un peu débridée sans que je ne puisse trouver une explication rationnelle (était-ce parce que je traversais une mauvaise passe ?). Je crois que je ne saurai jamais la réponse mais, tant pis. Toujours est-il que cette année, je m’étais éloignée des livres ; je n’en ai lu que 10. Alors, je me suis promise de faire un break avec les achats de livres le temps de finir avec toute la pile qui était entassé dans ma chambre. Mais je suis une acheteuse compulsive et j’ai la boulimie des livres ; donc c’est tout naturellement que je n’ai pas pu résister longtemps lorsque j’ai mis les pieds dans une librairie.

Mais Hamdoulilah, j’ai renoué avec mon amour et tout va pour le meilleur. Je fais un effort – et ce malgré mes occupations – de lire au minimum 2 livres dans le mois. Je me suis instaurée une nouvelle règle à laquelle je ne déroge pas : lire au moins 30 pages au réveil et 30 pages avant de me coucher. Par contre, je ne parviens toujours pas à m’y faire avec les livres audios. But i try.

Pour moi, la lecture est un magnifique moyen d’apprentissage, d’évasion, de voyage, de développement personnel, de renforcement des capacités linguistiques…bref la lecture m’apaise, c’est mon anti-dépresseur préféré, ma thérapie quand tout s’écroule autour de moi. Lire est devenu indispensable à ma vie et à mon quotidien et tout ça c’est grâce à mon vieux « dictateur » de père.

Sinon, je lis actuellement une magnifique biographie de Steve Jobs écrite par Walter Isaacson. Le livre m’a été recommandé par une connaissance et je m’en délecte bien.


Alors, que vous apporte la lecture ? Qui vous a offert un livre pour la 1ere fois ? Quels types de livres lisez-vous ?


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre IX : Le deuil

« Le bonheur et le malheur sont comme le jour et la nuit, ils se suivent »

Une semaine après le mariage, le couple Khadija-Chérif était parti en lune de miel à Boffa bel-air, pour passer une semaine en « amoureux » dans un cadre paradisiaque loin du bruit de Conakry. Pour Chérif c’était surtout une stratégie pour briser la glace entre eux et discuter de leur avenir commun. La stratégie de Chérif s’est révélée gagnante puisque Khadija était devenue beaucoup plus décontractée, ouverte et rayonnante même si ce lugubre pressentiment continuait encore. Elle était comme une personne qui avait des « dillé* » sur elle. Chérif par contre, plus il poussait les discussions, plus il se rendait compte de la culture générale de Dija.

Il leur restait deux jours encore avant la fin de leur séjour. Ce matin du vendredi 06 juin 2008, une migraine clouait Khadija au lit ce qui l’empêchait de se lever. Chérif quant à lui était entrain de lire son bouquin lorsque la sonnerie de son téléphone retentit, à l’autre bout du fil Ousmane le frère de Khadija porteur d’une mauvaise nouvelle. Plus il parlait, plus Chérif affichait un air triste qu’il essayait tant bien que mal à dissimuler. Après avoir raccroché, il demanda à Dija de se préparer pour rentrer sans lui fournir d’explications sur la raison qui a conduit à écourter leur séjour.

Durant tout le trajet, Chérif avait le visage impassible et répondait par monosyllabe à Dija qui insistait pour savoir pourquoi ils rentraient à la hâte ?

Dans la tête de Chérif, beaucoup de questions se bousculaient comment allait-il s’y prendre pour annoncer la nouvelle à son épouse ? Comment va t-elle prendre la nouvelle ? Son oncle était-il mort d’une crise cardiaque ? En effet, Ousmane lui avait annoncé la nouvelle sans rentrer dans les détails.

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« Jamais Dieu ne nous accable d’un fardeau plus lourd que ce que nous pouvons porter. »

Ce matin du vendredi, père Dija avait insisté pour que son fils le conduise à la mosquée pour faire la prière de Fajr. Il était loin de s’imaginer que c’est la dernière qu’il pratiquera ici bas. A leur retour de la mosquée, il fit pleins de Dou’as à son fils et à sa femme. Dans une voix emprunt de mélancolie, il exprima à cette dernière toute sa gratitude pour le soutien et la patience dont elle a fait preuve durant ces longues années de mariage. Pour finir, il exhorta Ousmane de veiller sur tout le monde surtout sur sa mère et Dija.

Mère Dija et Ousmane trouvèrent son attitude étrange, mais ils ne firent pas de commentaires et ne posèrent pas de questions.

Père Dija regagna sa chambre avec l’aide de son épouse, il demanda à ce qu’on ne le dérange pas, ni même pour le petit déjeuner qu’il avait l’habitude de prendre avec sa famille. Sa femme était une nouvelle fois intriguée, mais encore une fois elle ne fît pas de commentaires. Elle se contenta d’acquiescer et sortir de la chambre.

Il était dix heures lorsque mère Dija rentra pour vérifier si son mari était réveillé, à sa grande surprise elle le trouva dans la même position qu’elle l’avait laissé, il semblait être dans un profond sommeil ; elle ressortie pour continuer à vaquer à ses occupations. A son retour du marché une heure trente minutes plu tard, elle rentra dans la chambre cette fois-ci décidée à réveiller son mari. Il était toujours couché dans la même position et là elle commença à paniquer. Elle appela son fils Ousmane, ce dernier rentra en trombe dans la chambre. Il appela son père trois fois sans réponses puis le secoua, mais son corps était raide et froid. Il comprit que c’était fini, que son papa était parti, mort en silence dans son sommeil et personne ne savait l’heure de son décès. Alors il déclama pour lui la shahada : «  Lâ illâha ill’Allâh oua Mouhammad rassoulla Allâh » ( Il n’ y a de divinité que Dieu et Mouhammad est Son envoyé ). Mère Khadija qui était restée de marbre tout ce temps, sortie de sa léthargie après avoir entendue son fils prononcé la shahada, elle comprit que s’en était fini pour son époux. Elle mit ses mains sur la tête, prononça la shahada aussi et commença à pleurer. Elle retenait difficilement ses sanglots entremêlés par ses cris de désarroi.

Petit à petit, la nouvelle se répandait et les gens affluaient pour présenter les condoléances. Certaines femmes se jetaient dans les bras de mère Khadija pour exprimer leur compassion et faire l’éloge du défunt. Voisins, amis, collègues, sages de la mosquée ; tout ce beau monde était unanime quant à la bonté, piété, serviabilité, humilité et amabilité du défunt.

Chérif n’avait finalement pas pu trouver les mots adéquats pour annoncer à Khadija la perte de son père. Il avait préféré se dérober, sa langue n’avait visiblement pas été bien fendue pour annoncer ce genre de nouvelle. Ils arrivèrent à Conakry sans problème, Khadija voyant son mari emprunté une autre direction outre que celle de leur domicile se mit à douter de quelques choses. Elle ne fît pas longtemps pour reconnaître le chemin qui mène au domicile de ses parents et là, son cœur commença à battre la chamade.

Dès que Dija franchit le seuil de la porte que sa mère la prise dans ses bras en sanglotant. Elle interrogea sa mère sur les raisons de ses pleurs ; mère Dija n’eut pas le temps de répondre que sa fille comprit qu’elle était dorénavant orpheline de père, que le seul homme qui était jusque là son confident et meilleur ami était parti à jamais. Alors elle laissa libre court à ses larmes en se demandant ce qui lui était arrivé.

Chérif était impuissant face à la douleur de sa femme, il essayait au mieux de l’apaiser par des paroles de réconfort, mais rien n’arrivait à arrêter la douleur qui étreignait sa poitrine pas même le prêche de l’imam qui rappelait que la vie d’ici bas est éphémère et que chacun devait prier pour le défunt en attendant son tour car nous répondrons tous à l’appel du Créateur.

Dija savait tout cela et était consciente que ses larmes empêcheront son père de dormir et entraveront l’ascension de son âme vers Dieu ; mais elle ne parvenait pas à les sécher, c’était au dessus de ses forces, elle avait l’impression que quelque chose en elle s’est brisée.

Quelques temps plu tard ils procédèrent à la toilette funéraire, le corps revêtu du linceul enroulé dans une natte de feuilles de palmier fut porté par des hommes direction la mosquée pour la prière funèbre avant l’enterrement.

Au retour du cimetière, Ousmane réitéra sa demanda passée à la mosquée avant la prière du corps à l’endroit de tous les créanciers de son père afin qu’ils se fassent connaître.

Mère Khadija se défit de sa coiffure, se débarrassa de ses boucles d’oreilles pour commencer à observer les 4 mois 10 jours de veuvage avec sa nouvelle tenue blanche qui la distinguera des autres.

Ce texte je l’ai écrit en hommage à ma grand-mère maternelle qui nous a quittés le 1er mars 2019.

A la perte d’un être cher quelque chose en vous se brise, vous pensez ne plus pouvoir vivre, mais avec le temps vous finissez par vous y faire. Il m’a fallut du temps pour me remettre, j’ai vécu dans le déni total noyant ma peine dans la lecture et travaillant comme une forcenée. Jamais mort ne m’a autant surprise et affectée.

Ma grand-mère était une étoile, une lumière dans ma vie ; elle a contribué à parfaire mon éducation, m’a inculquée des valeurs de vie très fortes. D’elle, j’ai appris énormément de choses ( faire du tô, fonio, puiser dans un puits, piler, manier les cardes, regarder et accepter les choses avec lucidité, gérer mieux ma colère…). Une grande partie de mes connaissances sur les traditions et cultures peules je les tiens d’elle…Ma grand-mère était l’incarnation de la femme combative, dégourdie, ingénieuse et pieuse ; elle est l’une de mes modèles de femme. Il paraît que c’est d’elle je tiens ma nonchalance dans la marche, ma « timidité » et mon esprit de partage. Je me souviens lors de mes vacances de 2003, je venais de passer l’examen du CEP, moi assise sur le rebord de son lit tenant un petit carnet que maman m’avait offert et elle sur son tapis de prière. Avec un verbe bien à elle, elle me raconta les péripéties de sa vie et certains contes. C’est l’époque où j’ai commencé à noter tout ce qu’on me disait ou faisait. Elle avait toujours une anecdote pour m’expliquer une situation ou me faire passer un message.

Aujourd’hui, certes je ressens terriblement son absence, mais j’ai accepté que je ne la reverrai plus jamais et je continue à prier pour le repos de son âme ainsi que ceux de tous nos devanciers.

* Dillé: superstition qui présage une mauvaise nouvelle.


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre VIII : le mariage

Père Khadija était sorti de l’hôpital en chaise roulante pour poursuivre sa convalescence à la maison. Entouré des siens, il récupérait petit à petit et se faisait choyer par ses enfants (Khadija et son frère). La présence de ces derniers le rassurait et lui permettait de retrouver le moral, même si l’avenir de sa fille le préoccupait. Il n’avait plus évoqué la cause de son malaise et respectait scrupuleusement les instructions de son médecin; de toute façon il n’avait pas le choix ; sa femme y veillait constamment.

Connaissant l’animosité qu’entretiennent certains membres proches et éloignés de sa famille à l’endroit de sa femme, père Dija avait fait faire tous les documents détaillant la façon dont il léguerait sa richesse (une sorte de testament). En général, chez les Peuls, la fille n’a aucun droit sur l’héritage laissé par son père ; père Dija avait une nouvelle fois brisé les codes en y incluant sa fille. Le document en question était détenu par son meilleur ami avec la consigne de ne le divulguer qu’après son décès. Il avait aussi demandé à son fils aîné de veiller à ce que ses dernières volontés soient respectées.

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Il était environ 17 heures 30, ce samedi 17 mai 2008, le soleil était encore très ardent malgré l’heure avancée. Il y avait un beau monde dans la cour familiale des Diallo, une tente était dressée et de nombreuses chaises installées en plusieurs rangées. Les femmes s’affairaient pour faire la cuisine ; certaines apportaient des gros cailloux et du bois pour mettre le feu, d’autres épluchaient la pomme de terre, les oignons, l’ail, tamisaient la poudre de maïs pour en faire du couscous (latchiri)… L’ambiance et le brouhaha qui y régnaient étaient indescriptibles. Chacun s’activait dans ses tâches. Tout doit être parfait pour le meilleur jour de l’unique fille de M. Diallo. Il y tenait. Chez les Peuls, on accorde beaucoup d’importance aux préparatifs des mets qui seront servis aux invités.

La mère de Khadija faisait de temps à temps des va-et-vient entre la cuisine, la maison et la véranda pour s’assurer que tout se passait bien ou pour donner des consignes sur la façon de s’y prendre avec certaines choses. Elle était toute excitée, joyeuse et il y avait de quoi ; son unique fille se mariera dans quelques heures. Chaque mère rêve de ce jour pour ses enfants !

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Un peu plus loin chez les voisins, couchée sur le dos, plongée dans une interminable réflexion qui devenait éreintante, Khadija observait un point fixe du plafond, chassant de temps en temps quelques moustiques qui bourdonnaient dans ses oreilles, se remémorant ses années d’enfance. Elle aurait aimé redevenir cette gamine casse-pieds, insouciante qui gambadait partout, ou arrêter le temps. Elle aurait aimé avoir le pouvoir de trouver un moyen de stockage dans son cerveau lui permettant de s’en servir et ne choisir que les bons souvenirs.

La tension et le stress (dispute avec Chérif, maladie de son père, démarche pour le mariage) accumulés ces derniers jours n’étaient pas encore retombés. Elle avait perdu du poids mais personne ne s’en était rendu compte. Pas même son papa, qui, d’habitude le remarquait toujours. Tout le monde était euphorique pour son mariage, sauf elle la principale concernée ; même si aux yeux des autres, elle l’était. Son avenir au côté de Chérif l’inquiétait. Elle avait un lugubre pressentiment qui lui serrait le cœur. Elle remettait une nouvelle fois son destin entre les mains de Dieu et priait afin qu’Il lui vienne en aide.

Un peu plus tôt dans la semaine, elle avait reçu une myriade de conseils de sa mère, ses tantes, cousines, grand-mère maternelle, oncles, amies…Tout le monde s’y mettait pour lui dire comment elle est censée se comporter envers son mari et comment prendre soin de lui pour un foyer épanoui. Pour la circonstance, ils étaient tous devenus experts en relations conjugales. Mais ce qui avait marqué et ému Khadija, c’était le tête-à-tête avec son père. Il lui avait rappelé ses obligations envers son mari et prodigué de sages conseils.

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Chérif était en boîte avec des ami.e.s, il y avait une ambiance festive, mais il n’arrivait pas à profiter. Assis dans un coin de la boîte, loin du bruit, toutes ses pensées étaient orientées sur son avenir avec Khadija. Il commençait pour une fois à mesurer le poids de sa décision. Des idées saugrenues et des questions assaillaient son esprit ; des questions qu’il ne s’était jusque-là pas posées. Avait-il sérieusement mûri, soupesé sa décision ? L’avait-il juste prise pour faire plaisir à sa daronne et à son oncle ? Que répondra-t-il à Fatoumata, la fille à qui il avait promis le mariage lors de ses études supérieures en France? Il avait fini par prendre congé de ses ami.e.s et était rentré parce qu’une dure journée l’attendait le lendemain et il n’était plus d’humeur à continuer la fête.

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Aux premiers pépiements des oiseaux avec les premières lueurs du jour, les femmes se levèrent pour continuer la cuisine. Tout devait être fin prêt avant 10 heures, heure convenue pour la célébration du mariage religieux.

La cérémonie religieuse ou « houmo dewouggal » : est scellée à la mosquée ou dans la demeure des parents de la mariée, avec lecture du coran. Pour ce cas, elle fut célébrée dans la maison familiale des Diallo en raison de l’état de santé du père de Dija. La présence du couple n’est souvent pas requise. Les 113 noix de colas (le nombre doit impérativement être impair), furent emballées dans des feuilles avant d’être nouées à la corde.

La façon dont-ils les nouent reste toujours une intrigue pour moi. Il y a une explication autour d’ailleurs qui m’a été donnée par une connaissance :

« ces noix de colas nouées ainsi symbolisent le couple qui doit se soutenir pour ne former qu’une seule personne. Il est plus facile d’unir deux personnes que de prononcer un divorce entre elles, car c’est un droit que Dieu lui-même ne s’est pas arrogé. »

Est-elle plausible ? En tout cas c’est la question que je me pose.

Ensuite, ce fût la présentation de la dot appelé « jawdi yamal » qui est la condition sine qua non pour sceller le mariage. Elle (dot) peut être évaluée en or, en bétail ou en somme d’argent et, est incommutable à la future épouse qui est libre d’en user comme bon lui semble. Chérif avait offert 1 millions de francs guinéens comme dot à sa dulcinée.

Parmi les autres biens qui accompagnaient la dot, il y avait des cadeaux pour les tantes, oncles de Dija et une somme d’argent pour les sages de la mosquée. Après une litanie de bénédictions, l’union Chérif-Khadija fût scellée à jamais. Les parents se félicitèrent ; le repas fût servi et ils immortalisèrent la journée avec des photos.

Pendant que les sages et notables célébraient le religieux, Dija était dans un salon à la Minière pour se refaire une beauté. Au début, elle ne voulait pas de tout ça ; mais face aux arguments et à la ténacité de ses amies, elle se laissa aller. Le résultat ne lui déplut pas, elle était comme une fée dans sa belle tenue de mariée ; Chérif était ébloui par tant de beauté et candeur !

Ils avaient dressé et décoré des tentes dans une des cours voisines à celle de chez Dija pour servir de lieu de réception. L’officier de l’état civil fût déplacé pour la circonstance. Tout se déroulait comme prévu, malgré l’angoisse de Dija qu’elle dissimulait tant bien que mal en feignant un faux sourire.

Il était 18 heures 30 lorsque des femmes vinrent chercher Dija pour la préparer pour les rites du mariage traditionnel.

Mariage traditionnel : Au sein de nombreuses familles peules dont celle de Khadija, il est proscrit de célébrer le traditionnel avant la cérémonie religieuse. Généralement, cette cérémonie se tient au crépuscule après la réception bien entendu si le religieux est déjà célébré. Elle est rythmée par des chants et des danses.

Pour cette étape aussi, il faut une natte neuve, une paire de chaussure, 4 m de tissu blanc qui sera coupé en 2 pagnes, une attache de noix de colas plus et un tissu (complet), le tout mis dans une calebasse qui sera portée par une jeune fille candide. Une nourrice qui n’a jamais divorcé était de la délégation (il semblerait que cela fait partie de la tradition).

Khadija était installée sur un tabouret posé au beau milieu de la chambre de sa daronne. Le tabouret ne doit bouger sous aucun prétexte. Devant elle, est posée une cuvette dans laquelle elle prend ses ablutions ; quelques minutes seulement après la prise de ses ablutions, elle se fit appeler à trois reprises par un de ses cousins qui était l’émissaire, mais elle ne devait pas y répondre et ce dernier lui transmet un message. Ensuite sa tante paternelle « yayé en poular » qui est aussi dorénavant sa belle-mère lui mit le voile et l’aida à attacher le pagne blanc. Et là, on lui prodigua des conseils sur comment mener sa vie conjugale, en plus de ceux reçus il y a des jours. Ces mots revenaient souvent (patience, obéissance, humilité, sagesse, calme et respect).

Enfin on l’a coucha sur la natte pour 1 temps avant d’être changé avec un complet basin rouge revêtu de billets de banque neufs, le tout accompagné d’un parapluie de la même couleur. Dija est enfin prête à rejoindre le domicile marital où une nouvelle vie l’attend au côté de Chérif.

Sera-t-elle heureuse ? Leur union survivra-t-elle aux regards et ingérences de sa belle-mère et ses belles-sœurs ?