Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre VI : la rencontre

Article : Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre VI : la rencontre
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20 février 2019

Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre VI : la rencontre

Khadija, après des semaines de réflexion avait fini par faire part de sa décision d’accepter son union avec Chérif à son père. Ce dernier était partagé entre la joie et les regrets : heureux que sa fille ne lui ait pas désobéi, mais rongé par les regrets parce que conscient que sa décision les avait finalement éloignés, l’un et l’autre. Et cela lui était insupportable.

Père Khadija et tante Ramatoulaye avaient eu recours à un érudit pour faire du « listikar » afin de déterminer le jour propice à la célébration du mariage. Ce dernier leur avait suggéré la date du 18 mai 2008. Une réunion familiale fut de nouveau convoquée et tous les autres membres s’accordèrent sur la date.

Khadija et Chérif furent de leurs côtés informés par leurs parents respectifs. Chérif attendit des jours pour voir si Khadija le contacterait pour une éventuelle rencontre. N’ayant pas eu de nouvelles d’elle, il prit les devants et fixa un rendez-vous en fin de semaine pour un dîner après le service. Cela leur permettra de mieux échanger loin du cocon familial et de toute pression.

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Khadija avait passé une nuit blanche à se demander quelle attitude adopter lorsqu’elle sera face à Chérif. Il était 5h lorsque l’alarme de son téléphone retentit. Elle se précipita de l’arrêter et sortit du lit pour se rendre dans la cuisine afin de faire la vaisselle. Malgré la présence d’une femme de ménage, Khadija ne dérogeait jamais à la règle instaurée par sa mère. Pour elle, c’est aussi une façon de déstresser avant de se rendre au bureau chaque matin. Elle prit une douche, fit sa prière de « Fadjr », avant de s’apprêter pour le boulot.

Vêtue d’une longue et belle robe en « leppi », la belle Khadija arriva à son service 30 min avant l’heure, bien plus rayonnante que d’habitude. Depuis le début de son stage, elle se donne à fond et travaille comme une forcenée pour obtenir de meilleurs résultats en espérant que cela débouche sur une embauche. Seulement, Khadija se fait constamment harceler par l’un de ses supérieurs qui avait des vues sur elle. Il la menaçait souvent de renvoi et trouvait toujours un moyen de la mettre hors d’elle. Khadija ne se laissait pas aller à ce jeu. Elle réussissait à garder son calme à chaque fois qu’il tentait une approche ou qu’il essayait de la ridiculiser devant ses collègues. Elle est restée droit dans ses bottes et n’a jamais flanché ; du moins pas pour le moment. Il lui restait encore 2 mois à tenir. 

Du haut de ses 24 ans, Khadija était très mature et forte. Elle laissait rarement transparaître sa douleur, ou ses émotions prendre le dessus sur sa raison.

Pour la rencontre avec Chérif prévue à 18 heures, Khadija avait une boule dans le ventre et sentait que sa journée sera un peu plus mouvementée que d’habitude.

Assise face à une pile de dossiers à finir avant l’heure de la descente, Khadija regardait d’un coin de l’œil son téléphone posé sur la table guettant l’appel de Chérif. Même avec la climatisation, elle suait à grandes gouttes, ce qui était inhabituel et trahissait chez elle le stress lié à rencontre. Elle exhala un autre soupir avant de se replonger de nouveau dans ses dossiers.

Cela dit, Khadija ne comptait pas laisser son humeur entacher la crédibilité de son travail. C’était une perfectionniste née et elle s’assurait toujours de bien faire les choses, une autre qualité qu’elle tient de son père.

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Chérif, derrière son bureau comptait les minutes qui lui restaient. Même s’il refusait de se l’avouer, cette rencontre l’angoissait aussi. Et la timidité de Khadija vis-à-vis de lui ne lui facilitera certainement pas la tâche, se disait-il. Mais voilà, il s’est engagé auprès de sa mère à tout faire pour que les choses marchent et il compte bien tenir parole.

Enfant, il a été témoin oculaire des nombreuses souffrances endurées par sa mère. Ses oreilles ont capté et entendu les douleurs des coups que son père infligeait à sa mère. Il a vu son père exercer une violence inouïe sur sa mère sans même sourciller. Cela l’a rendu plus tenace, travailleur, perspicace, autoritaire et très renfermé. Cette période de sa vie a été très traumatisante. Obnubilé par la réussite, Chérif après l’obtention du concours d’entrée dans les institutions d’enseignement supérieur, se voit accorder une bourse pour la poursuite de ses études à l’extérieur. C’est ainsi qu’il partit à la quête du savoir en se promettant de réussir pour panser les blessures de sa mère et transformer ses peines en joies. C’est d’ailleurs l’envie d’être proche de sa mère, de veiller à son bien-être et d’assurer sa protection qui a motivé son retour au pays après ses études.

Chérif ne voulait pas non plus de ce mariage, mais les désirs de sa mère sont des ordres pour lui. Rien ne lui rend plus heureux que de voir le visage de sa mère rayonner de bonheur et peu importe les sacrifices à consentir pour cela, il est prêt à le faire.

A travers les fenêtres de son bureau, Chérif regardait d’un air pensif Kaloum, le centre administratif et des affaires de la capitale guinéenne, se demandant si Khadija arrivera un jour à vaincre sa timidité et sa pudeur.

Peut-être je dois commencer par la mettre en confiance”, se dit-il, toujours l’air pensif !

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Khadija venait de sortir des locaux de l’entreprise lorsque son téléphone se mit à sonner. Elle hésita quelques minutes avant de répondre : à l’autre bout du fil, Chérif

Allô Khadija ?

Oui Koto Chérif, je viens de finir mon boulot.

OK ! Je passe te chercher alors !

Non, je vais me débrouiller. Ne laissant même pas le temps à Chérif de répondre, Khadija raccrocha le téléphone avant de s’engouffrer dans un taxi.

Chérif arriva le 1er au lieu de rendez-vous, très furax contre Dija. Mais il préféra ne pas s’attarder dessus pour ne pas envenimer les choses entre eux, alors qu’ils sont censés discuter de leur avenir commun.

En rentrant dans le resto, Khadija aperçut Chérif qui était de dos et visiblement très occupé par sa conversation téléphonique. Au point qu’il n’avait pas remarqué l’arrivée de sa cousine. Dija voyant la tenue que porte Chérif ralentit dans sa marche et écarquilla les yeux et murmura “Pourquoi il a fallu qu’il porte la même chose que moi ? Il ne manquait plus que ça !”

Bonsoir Koto Chérif !

Enfin, il n’était pas trop tôt ! Je pensais que la ponctualité était l’une de tes caractéristiques.

Oui, mais j’ai eu quelques difficultés à trouver un taxi. 

Tu savais cela avant de m’empêcher de venir te chercher. Ton alibi n’est pas valable jeune fille ! Bref, elle a été ta journée ?

Il fallait commencer par ça”, pensa Khadija !

Elle s’est bien passée et la tienne aussi ?

Très bien aussi de mon côté. Alors, on commande !

Khadija était très tendue et Chérif l’avait bien remarqué. Tête baissée, elle piochait dans son assiette et jetait un regard furtif de temps à autre vers Chérif.

Chérif usa de son humour pour décontracter l’atmosphère, ce qui eut le don d’arracher un sourire à Dija.

Dija, je ne sais pas comment te le dire, mais cette situation me déplaît aussi. La vérité c’est qu’on a tous les deux été entraînés dedans par nos parents. Je ne peux pas revenir en arrière pour faire annuler les choses, même si je le pouvais. Je ne suis pas sûr que je le ferai parce que tu vois, je ne peux et vais jamais désobéir à maman.

Ils ne nous ont pas laissés le choix, mais on fait ce qu’on estime être juste pour les rendre heureux. Moi aussi, je ne te le cache pas cette situation a failli me rendre folle, mais j’ai fini par accepter et m’y faire finalement.

J’aimerais te promettre que tout ira pour le mieux, qu’on aura une vie heureuse ensemble, mais je ne peux pas prédire l’avenir. Par contre, je te promets de prendre soin de toi et d’être un homme juste. Le reste, Dieu s’en charge !

Koto Chérif, la seule chose que je veux que tu me promettes c’est de me laisser travailler, gagner ma vie et être indépendante. Le reste, comme tu l’as dit, Dieu et le temps s’en chargeront !

Pour la cérémonie de mariage, je la veux simple, sobre dans le strict respect de la religion.

C’est comme tu veux ! De toute façon, c’est une histoire de femmes tout ça. Allez, je te ramène avant que mon oncle ne commence à s’inquiéter, même s’il sait que tu es avec moi.

Parlant de papa, je crois savoir que vous avez discuté. Si ce n’est pas indiscret, je peux savoir de quoi il s’agissait ?

Désolé, mais c’est non ! C’est une discussion d’adultes et toi tu es encore enfant (rires).

Dans l’habitacle de la voiture de Chérif, seule la voix mélodieuse de Corneille résonnait. Le dossier de son siège relevé, Khadija, le bras appuyé sur l’accoudoir était perdue dans ses pensées. Enfin soulagée et bien consciente que dans quelques semaines une nouvelle vie démarre pour elle.

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