Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?

15 janvier 2019

Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?

Nous sommes au mois de juillet, mon vol vient d’atterrir à l’aéroport de Gbessia. Le ciel de Conakry est sombre. Une forte tempête se prépare. Je me hâte de récupérer mes bagages et de sortir retrouver les miens. A peine dehors, j’aperçus de loin maman. Elle me faisait dos et tenait de la main mon neveu. Ils étaient venus m’accueillir. Je me précipitai de les serrer très fort dans mes bras. Qu’est-ce qu’elle m’avait manquée cette chaleur maternelle ? Maintenant que je suis là, je compte bien en profiter me dis-je avant de monter à bord du véhicule. La voiture déboule en trombe, direction la maison. Cela fait 5 ans que j’ai quitté le pays de mes ancêtres avec mes 2 enfants pour fuir mes démons et toutes ces choses qui m’assujettissaient, m’empêchaient de m’épanouir, de voir clair dans mon avenir.

Assise derrière, je posais ma tête sur la vitre et contemplais la ville. Je repensais à ma vie d’il y a plus de 10 ans, à toute la souffrance endurée après le divorce de mon 1er mariage et le décès de mon deuxième mari. Tous les deux m’en n’ont fait voir de toutes les couleurs. J’ai porté plusieurs masques durant ces années : épouse forte, résiliente, courageuse, soumise et presque parfaite. Aussi bizarre que cela puisse paraître, je n’ai plus de ressentiments envers eux, je n’ai aucune envie de prendre ma revanche. Non, j’ai tourné cette page sombre. C’est déjà ça ! Aujourd’hui, je ne pleure plus, je désapprends la colère. Ce n’est toujours pas facile de pardonner après tout ce qu’ils m’ont fait subir. Dorénavant, mes enfants sont ma seule consolation.

Tant de choses ont changé depuis, je ne suis plus cette personne qui avait besoin des autres pour s’en sortir ; je me suis construite une carapace beaucoup plus solide, je suis en mesure de dire que plus rien ne me brise. Décider de revenir affronter mes démons est, je crois du moins, de loin la plus courageuse décision que j’ai prise de toute mon existence.

Nous venons d’arriver à la maison. C’est maman qui m’a tirée de mes pensées. Elle m’avait observée tout ce temps sans rien dire, je parie qu’elle se demande à quoi je pensais ?

Je lâche un soupir en me demandant comment je vais pouvoir les supporter ? Est-ce que je vais pouvoir me réadapter et faire fi du regard des autres ? Il y a quelques minutes encore, j’étais persuadée de pouvoir y arriver, mais là maintenant je n’en suis pas si sûr !

Je m’appelle Khadija Diallo, benjamine et unique fille d’une fratrie de 4 enfants, mère célibataire (est-ce le bon terme ?) de 2 enfants. Ma vie n’a jamais été facile depuis mes 24 ans. C’est en effet l’âge qui était le mien quand mon père a décidé sans mon consentement de me donner en mariage à un cousin côté paternel. J’étais, semble-t-il, sa promise depuis ma naissance. Sauf que cela, je l’ignorais jusqu’à cette fameuse réunion. En tout cas, depuis, ma vie n’a pas été de tout repos. Entre brimades, coups d’un mari véreux, imbu de sa personne, colérique et une famille hypocrite, j’ai tout subi. Je voyais mon monde s’écrouler chaque matin jusqu’au jour où j’ai enfin décidé de prendre les choses en main. L’histoire de ma vie n’est pas du tout reluisante et ce n’est pas non plus facile de me jeter en pâture en vous la racontant.

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Commentaires

Astou
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Belle plume j'adore!

Y'a tellement de khadijah Diallo dans notre société!
Heureusement que certaines ne se laissent plus faire.