Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre II : Le questionnement

22 janvier 2019

Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre II : Le questionnement

La nuit recouvrait maintenant la ville de Conakry, un vent frais soufflait dehors. Du balcon de leur immeuble, silencieuse, Khadija, levait les yeux au ciel. Seules quelques étoiles luisaient encore. Inconsciemment, Khadija les observait en espérant y voir le signe qu’elle n’était pas née sous la mauvaise.

Plus aucune âme vivante n’errait lorsque Dija décida de rejoindre sa chambre, elle savait que Morphée ne viendrait pas à elle de sitôt ; alors elle se mit à farfouiller dans ses affaires. Elle ne cherchait rien de particulier, mais c’était sa façon d’occuper son esprit. C’est quelques heures après que des interrogations envahirent son esprit. “Pourquoi il a fallu que ça soit moi?” “Pourquoi les parents ne nous laissent-ils pas faire nos choix?” “ Est-ce une tradition familiale ? Est-ce une prescription religieuse ?” Khadija savait que l’endogamie est une pratique courante dans beaucoup de familles peules, mais de là à décider du sort d’une personne avant même sa naissance, elle en était stupéfaite. C’est sur ses interrogations que l’intrépide Khadija finit par trouver le sommeil.

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Khadija passa une des nuits les plus tourmentées de son existence. Ce qui la tourmentait cependant, ce n’était pas tant le fait que son destin soit scellé avant sa naissance. Mais comment annoncer cette nouvelle à Ousmane. Ousmane et Khadija se sont rencontrés pour la 1ère fois à l’occasion d’une conférence à l’UGANC. Tout de suite, le courant passa entre les deux. Ils décidèrent de garder le contact. Khadija était fascinée par le courage et l’intelligence d’Ousmane. Sa culture générale et son sens de la loyauté, l’impressionnaient. Au début, ce n’était juste qu’une simple amitié. Au fur et à mesure que leur relation se raffermissait, une sorte de complicité s’installait entre eux. Ils apprirent à s’apprécier et à se respecter mutuellement. Il la subjuguait au gré des échanges. Quelques mois après, ils commencèrent à discuter de mariage, mais Khadija n’était pas prête à se passer la corde au cou. Pas avant d’avoir trouvé un job, se disait-elle intérieurement. Elle demanda à Ousmane de lui accorder un peu de temps pour bien réfléchir et trouver le moment opportun pour en parler avec ses parents. Manifestement, ce moment n’arrivera jamais pour Khadija et Ousmane. Khadija décida d’envoyer un SMS laconique à Ousmane. “ Salut Ousté, j’aimerais qu’on se rencontre ce soir à 17 h à la plage Lambangni, il faut que je te parle. C’est urgent!”

Dehors, le soleil entamait son passage au zénith, Khadija, assise encore sur son lit ressassait sa discussion de la veille avec ses parents. Elle confina tout cela dans son journal intime. Sa mère sur le pas de la porte de la chambre observait Khadija depuis plusieurs minutes, les cernes et les yeux bouffis de sa fille lui brisaient le cœur. Mais il fallait qu’elle ait cette discussion. Elle savait que sa fille n’était peut-être pas prête pour aborder ce sujet, mais mère Khadija ne comptait plus repousser les délais. A quoi bon d’attendre. Autant en finir maintenant. Khadija sentit la présence de sa mère et l’invita à rentrer. C’est Khadija qui brisa le silence en premier.

  • Maman, dis-moi que tu n’es pas d’accord avec cette décision de papa ? C’est mal ce qu’il a fait et tu le sais.

  • Ma fille, cela n’avait rien à voir avec le bien ou le mal, avec le fait d’aimer ou de ne pas aimer. Ton papa a fait ça pour raffermir les liens familiaux. Parfois, la seule chose qui compte, c’est de faire ce qu’on a à faire. Et il devait le faire pour ressouder les liens de famille. Crois-moi, j’ai passé des années à essayer de faire entendre raison à ton père, mais j’ai fini par comprendre et accepter. Tu dois aussi accepter ce mariage pour ton bien et celui de la cohésion de notre famille. Après tout, ton père s’est beaucoup investi dans ton éducation. Contrairement à de nombreux parents, il a attendu que tu sois diplômée pour décider enfin de fixer la date du mariage. En plus, Chérif n’est pas si mal que ça, il a une bonne éducation et travaille. Qu’est-ce qu’on peut vouloir de plus pour son enfant.

  • De toute évidence, il a fait tout ça pour soulager sa conscience puisqu’il a décidé de mon sort avant même que je ne voie le jour. Je me rends compte qu’il ne m’a jamais aimé.

Ces derniers propos de Khadija touchèrent particulièrement sa mère. Elle en fut verte de colère. A tel point que ne se maîtrisant, elle administra une paire de gifle à sa fille, avant de lui crier dessus

  • Ne t’avise plus jamais de parler comme ça, encore moins hausser le ton devant moi. Ce mariage aura lieu que tu le veuilles ou non. Tu as intérêt à réfléchir sagement.

Mère Khadija sortit de la chambre en claquant la porte, si elle trouvait légitime la colère de sa fille, elle ne tolérait pas sa grossièreté. Outrée par les propos de sa fille, mère Khadija se demanda même si elle n’avait pas failli à l’éducation de cette dernière ?

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