Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre III: Les vérités qui fâchent

Article : Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre III: Les vérités qui fâchent
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28 janvier 2019

Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre III: Les vérités qui fâchent

Les effluves de la sauce embaumaient la cour familiale des Diallo. Khadija est celle qui est censée faire la cuisine les week-end. Une règle instituée par sa mère alors que la fille n’avait que 15 ans et qu’elle n’a jamais eu de la peine à respecter. Tout au contraire, elle en tire l’origine de la passion qu’elle a désormais pour la cuisine. Aussi, elle en est devenue un véritable cordon bleu. Fredonnant une des chansons de l’artiste Lama Sidibé, Dija s’appliquait avec dextérité dans ses tâches.

Après sa petite discussion matinale avec sa mère, sa conscience lui faisait encore des reproches. Elle éprouvait un subtil besoin d’aller présenter ses excuses à sa daronne. Mais quelque part, au fond d’elle, une petite voix lui susurrait d’attendre d’avoir le fin mot de l’histoire. Son égo aussi avait pris un coup.

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Il lui restait quelques heures encore avant son rendez-vous avec Ousmane, et il lui fallait passer au cyber pour échanger avec son frère aîné. Il y a des choses qu’elle doit élucider avec ce dernier. A cette époque, internet était un luxe que beaucoup de familles ne pouvaient s’offrir. Bien qu’ayant un ordinateur qui lui avait été offert par son père en 2005, et un téléphone en 2006, avec l’arrivée de la société de téléphonie mobile areeba (actuel MTN), Khadija parcourait chaque samedi le trajet Nongo-Matoto pour se rendre au cyber Mouna afin de se connecter et discuter avec ses frères sur Skype.

Khadija, sortit du cyber complètement déboussolée, la conversation avec son frère n’a pas eu les résultats qu’elle escomptait. Elle se sentait trahie, ce qui décuplait encore plus sa rage envers les siens. « Que me cache-t-on d’autre? A quoi devrais-je m’attendre ? ». Néanmoins, cela lui a permis de cerner certaines choses, mais il lui manquait encore certaines pièces du puzzle. Elle était rassurée de savoir que ses frères la soutiendraient, quoi qu’il en soit et quelle que soit sa décision. Dans sa furie, elle manqua de heurter quelqu’un, elle s’excusa et continua son chemin.

Il lui fallait impérativement discuter avec Chérif pour avoir sa version et savoir à quoi s’en tenir avant de prendre sa décision finale. « Comment je vais m’y prendre pour lui parler, il me fout la trouille? Ah papa dans quoi tu m’as mis ? Comment épouser une personne qui m’inspire la peur ? Vais-je réussir à soutenir un jour son regard ? ». Les questions se bousculaient dans sa tête.

Elle cherchait à héler un taxi lorsque l’objet de ses pensées surgit de nulle part. Il s’avança vers elle et lui tendit la main, Dija hésita un instant avant de la prendre. Leur échange a duré plus que d’habitude. Dija a toujours été intimidée par Chérif sans savoir le pourquoi.

  • Salut Dija, tu vas bien ? On dirait que ‘’as le diable à tes trousses ? Tu vas où, aussi pressée ? Ma tante et mon oncle se portent bien ?

  • Tchiée ! Une question à la fois murmura t-elle! Je vais voir un ami à Lambandji et après je rentre.

  • Chérif perplexe : Je vois ! Viens je t’y emmène !

  • Non, merci je vais me débrouiller en taxi.

  • Sois prudente alors !

  • T’inquiète!

  • Passe le salam à tout le monde. On se voit le week-end prochain à la réunion familiale.

 

« De quel réunion parle t-il encore ? Pourquoi je suis toujours la dernière à être mise au courant des choses dans cette famille ? ». Inch’Allah, bonne soirée Koto Chérif.

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La ponctualité était l’un des caractères de Khadija. Elle détestait arriver à retard à un rendez-vous. Il lui restait encore 30min pour faire le trajet.

Dans le taxi, Khadija se tournait les pouces, appréhendant la réaction d’Ousmane. Elle le sait de nature impulsive. L’envie de rebrousser chemin et de tout lui dire au phone la traversa l’esprit, mais elle trouvait cela lâche.

C’est une Khadija angoissée qui arriva sur le lieu. Face à la mer, en attendant Ousmane, elle se demandait comment aborder le sujet ? Elle était dans son monologue quand on lui tapota l’épaule ; ce qui la fit sursauter.

  • Ousté, t’es là depuis combien de temps?

  • Assez pour avoir entendu quelques bribes de ton monologue. Je n’ai pas saisi certaines choses, mais tu parlais de moi, de ma réaction et de mariage. Alors, tu me dis de quoi il s’agit ? Tu as finalement parlé avec tes parents et je parie qu’ils sont contre notre union.

  • Ne te méprends pas. Mes parents ne sont pas au courant pour nous et je pense que ça ne risque pas d’arriver.

  • De quoi tu parles ? Qu’est-ce qui te contrarie alors ?

  • Tu te souviens de mon cousin Chérif qui vivait en Belgique, il est de retour depuis des mois et j’ai appris hier soir que je suis sa promise pour un mariage.

  •  Mensonges, mensonges…….tu veux me faire gober que t’étais pas au courant. Je comprends maintenant pourquoi à chaque fois que tu parles de lui tes yeux noirs scintillent comme des étoiles. En fait, tu m’as fait passer pour un idiot tout ce temps. Je te croyais si différente de toutes ses autres filles. Mais il faut croire que je me suis fourvoyé. A quoi je m’attendais ? Nous ne venons pas d’un même village et mieux que ça ma famille n’est pas aussi nantie que la tienne.

Dija jusque-là l’observait sans piper mot. Au plus tréfonds d’elle, Khadija avait mal, mais elle ne voulait pas laisser transparaître sa douleur devant Ousmane. La réaction d’Ousmane l’a prise au dépourvu. Elle ne le croyait pas capable de lui jeter toutes ses choses à la face, même si elle ne lui en voulait pour autant.

  • Tu me permets de t’expliquer ou tu vas continuer à me traiter de tout et m’accuser pour une chose que j’ignorais depuis tout ce temps.
  •  Dija, tu sais quoi tu peux te mentir autant de fois que ça te plait, mais de tes explications je m’en moque éperdument. Je regrette juste le jour où je t’ai rencontrée et d’avoir perdu mon temps à espérer fonder une famille avec une personne aussi égoïste que toi.

Sur ce, Ousmane partit sans un regard pour Khadija et sans lui accorder le bénéfice du doute. Leur amour avait pris fin sur ces entrefaites.

Regard terne et vide, Khadija n’en revenait pas, comment a-t-il pu avoir le toupet de la traiter d’égoïste ? Un filet de sueur froide lui coula entre les omoplates. Elle était en colère. C’est peu dire. Elle bouillait de rage. Une rage qui se transforma en un rire sarcastique. Tout était devenu hilarant à ses yeux. De loin, plusieurs paires d’yeux l’observaient et elle les entendait gouailler. Mais elle n’en avait que faire du regard des autres. Sa vie était un désastre depuis un peu moins de 24h. Tout ça à cause d’un fichu mariage qu’elle n’est pas prête à accepter.

C’est la voix du muezzin pour l’appel à la prière de Maghreb, et les gargouillis de son estomac qui rappelèrent à Khadija qu’il était tant de rentrer à la maison.

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