Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre IV: le fin mot de l’histoire

Article : Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre IV: le fin mot de l’histoire
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4 février 2019

Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre IV: le fin mot de l’histoire

Dans la vie, il y a ce que nous ressentons, ce à quoi nous aspirons, et il y a la réalité. La réalité était en train de mettre en lambeaux les ambitions et désirs de Khadija. Toute cette histoire l’avait éprouvée, sa rencontre avec Ousmane lui avait laissé un goût amer. Khadija ne l’imaginait capable de lui jeter à la figure toutes ces inepties. Les paroles d’Ousmane lui avait valu de longues nuits plates, fades et sans sommeil, des hectolitres de larmes versées dans la solitude de sa chambre. Khadija avait essayé en vain, à maintes reprises de le joindre pour l’expliquer. Mais il ne voulait rien entendre. Au point qu’il avait fini par filtrer le numéro de Khadija. Lasse de le harceler, elle se résigna, abandonna et décida de se faire une raison en se consolant avec cette phrase « Il faut se résigner et accepter son impuissance. On a beau tout donné, mais parfois ça ne sert à rien ». Peut-être c’est une façon pour le ciel de lui ouvrir les yeux sur l’homme pour lequel, elle était prête à tout. « Un bien pour un mal. Il est temps pour moi de mettre une croix sur toi, Ousmane se dit-elle! » Seulement, c’était plus facile à dire qu’à faire ! Ses pensées la trahissaient aussi souvent que possible. Les souvenirs étaient toujours là. Khadija l’aimait si naturellement, qu’elle se surprenait à trouver des justifications à son attitude. Pourtant, rien ne pouvait excuser son comportement. Il avait juste qu’à l’écouter, à lui prouver qu’il avait confiance en elle, à leur amour. Mais au lieu de tout ça, il a choisi d’éteindre la flamme de son affection, brider ses émotions. Quel égoïsme !

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Deux semaines s’étaient écoulées depuis ce fameux soir, Khadija avait commencé son stage sans grand enthousiasme. C’est comme si on lui avait ôté toute joie de vivre. Ce stage lui permettait à de rares fois de fuir son tête-à-tête avec son moi tourmenté.

C’était le week-end, l’immuable quotidien suivait son cours normal dans la famille Diallo. Khadija n’avait pas fermé l’œil la veille, l’aurore la trouva les yeux écarquillés dans la pénombre. Elle se tordait de douleurs, heureusement qu’elle n’ira pas bosser. Elle était dans sa période, ses hormones menstruelles mal lunées lui faisaient terriblement souffrir. Elle détestait cette période, devenait hystérique avec une humeur massacrante. Khadija est une lève-tôt, elle se permet rarement les grasses matinées, les seules fois où elle se le permet malgré elle, c’est lorsqu’elle voit ses règles. Ce matin, elles sont plus douloureuses, sa mère lui fît une infusion salée avec du gingembre râpé, de la mélisse et la poudre des graines de selim, le tout dilué dans de l’eau chaude. Ce qui calma les douleurs et permit à la jeune fille de sortir de son lit. Sa mère lui dispensa de la cuisine et lui accorda une journée de repos. Khadija se plongea dans la lecture de son bouquin. La musique, la lecture et la mer ont toujours eu le don de l’apaiser et de la calmer.

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Dans la soirée, Khadija prit un bain et sortit pour s’asseoir au balcon en observant des petits oiseaux insouciants qui picoraient quelques graines de fonio. C’est ce moment que choisit sa mère pour faire son apparition et demander à Dija de sortir une chaise et un tabouret pour qu’elle lui fasse des nattes. Le stress quotidien au boulot, associé à celui qu’elle traîne depuis des semaines lui ont empêché de poser la question qui turlupinait son esprit après la réunion familiale. En voilà, une belle occasion qu’il faille saisir pourvu que cela ne finisse en dispute se dit-elle. Il lui faut trouver une meilleure façon de formuler de manière à livrer le fond de sa pensée, sans offusquer sa daronne.

A l’aide d’un piquant de porc-épic noir strié de blanc appelé en poular « koural saghaldai », mère Khadija traçait des raies pour faire des nattes à sa fille. La capacité de sa mère à conserver des choses « anciennes » ne cessera jamais de l’étonner. Quoique les piquants de porc-épic ne servent pas qu’à tracer des raies, elles sont aussi utilisés pour le traitement de maladies (les maux de dos entre autres).

Mère Khadija s’y prenait avec habileté et douceur, évitant de faire mal à sa fille. Même si elle ne le disait pas, mais la situation de Khadija la peinait. Elle aurait aimé avoir une machine à remonter le temps pour revenir à ce fameux jour, tenir tête à son mari et l’empêcher de faire cette promesse. Mais l’eau a coulé sous les ponts et il va falloir faire avec. Khadija la sortit de sa réflexion en faisant une grimace indiquant à sa mère qu’elle lui avait fait mal. Cette dernière s’excusa ce qui ouvrit la voie à Khadija pour sa question.

– Maman,je veux te poser une question mais promet-moi de ne pas te fâcher 

– Si ta question n’est pas offensante, je te le promets.

– Pourquoi papa a fait cette promesse à tata Ramatoulaye ? Je sais qu’il lui voue un respect religieux mais…elle mit sa phrase en suspens en se rendant compte que ce qui allait suivre n’allait pas plaire à sa mère.

– Comme tu le sais déjà, ton père et ta tante sont les seuls enfants que ta grand-mère a mis au monde. En tant qu’aînée, ta tante Ramatoulaye a dû renoncer à ses rêves pour que ton père réalise les siens. Elle s’est mariée à l’âge de 21 ans, ton père n’avait que 14 ans encore, et la situation sanitaire de ta grand-mère ne s’améliorait pas. Ta tante a passé 5 ans sans faire d’enfants. Elle a du faire face à beaucoup de brimades, a reçu de nombreux coups de la part de ses belles-sœurs qui la traitaient souvent de terre aride et infertile. Son mari n’a jamais levé le petit doigt pour la protéger. C’est comme si ses sœurs avaient sa bénédiction. Sa coépouse avait, elle, fait deux enfants entre temps.

Ta tante Ramatoulaye supportait à huis clos, elle souffrait en silence, se laissant marcher dessus pour conserver son statut d’épouse. A cette époque, une femme divorcée était encore plus mal vue par la société qu’une stérile. A chaque fois qu’elle venait se plaindre auprès de tes grands-parents, ceux-ci lui rappelaient son devoir de femme : elle doit être une éponge qui absorbe tout sans exploser. Seulement ton père vivait mal cette situation, voir sa sœur défigurée, avec des bosses, ces ecchymoses sur le visage le rendaient fou de rage et impuissant. Un beau matin de l’an 1979, alors âgé de 20 ans, ton père, poussé par une force extérieure, persuadé de pouvoir changer le cours des choses, et de mettre fin aux souffrances de sa sœur, commit la terrible erreur de se rendre dans le foyer de cette dernière pour la sortir des griffes d’une famille impitoyable. Ta tante Ramatoulaye était enceinte de Chérif et personne ne s’en était rendu compte, pas même elle. Il menaça son beau-frère d’en finir avec ses jours s’il s’avisait de nouveau à lever la main sur sa sœur. Au cours des tiraillements, ta tante trébucha et faillit perdre sa grossesse. Cette intervention de ton père aggrava la situation de tante auprès de son mari et de ses belles-sœurs. Informés, tes grands-parents remontèrent les bretelles à ton père et lui firent promettre de ne jamais s’immiscer dans la gestion du foyer de sa sœur.

Ta grand-mère rendit l’âme 3 mois après la naissance de Chérif, 2 mois seulement après mon mariage avec ton père. Rongé par la culpabilité, à laquelle s’ajoutait la promesse faite à ta grand-mère dans son lit de mort, ton père décida de tout faire pour rendre sa sœur heureuse, quitte à renoncer à son propre bonheur. Et c’est sans difficulté qu’il fît la promesse à ta tante lors de ma grossesse.

Khadija avait écouté religieusement le récit de sa mère. Une émotion indescriptible lui coinçait la gorge. Quelle histoire s’exclama-t-elle!

Elle ne comprenait pas la décision de son père, mais n’allait plus essayer de démêler les fils d’une situation inextricable qui n’était pas de son fait. Dorénavant, elle était plus disposée à l’accepter. Il fallait maintenant qu’elle ait une discussion avec Chérif à propos de ce mariage.

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