lavoixcitoyenne

La circulation routière en Guinée, une géhenne pour les citoyens

La Guinée est un pays où les infrastructures routières sont quasi inexistantes et cela ne semble pas préoccuper les différents gouvernements qui se sont succédés à la tête du pays. En plus de tout ce que les citoyens de ce pays traversent, la circulation routière est un calvaire quotidien.

Entre embouteillages et insolence des usagers
À Conakry, toute l’administration est concentrée au centre-ville de Kaloum. Ce qui pose un réel problème de déplacement pour les habitants de la haute banlieue, obligés d’emprunter les mêmes voies, littéralement au même moment.
Pour trouver un taxi, espérer rejoindre son boulot à temps et ne pas se retrouver dans les interminables embouteillages, il faut être matinal et cela implique de risques énormes liés à votre sécurité.
Pour des petites distances, vous êtes obligés de passer deux heures ou plus coincé dans les bouchons avec une chaleur étouffante. Dans la circulation, tout le monde ou presque est nerveux, chacun en veut à l’autre, pensant que ce dernier est responsable de la situation. Aussi, dans la circulation à Conakry, les invectives fusent de partout.
L’autre solution que quelques-uns choisissent, c’est celle des moto-taxi. Pour des situations urgentes, je préfère les emprunter même si parfois c’est à mes risques et périls. Tout récemment j’ai échappé à deux accidents alors que j’étais sur une moto et voulais arriver en ville tôt. Les pilotes de ces motos sont très insolents dans la circulation et ont tendance à se penser au-dessus du code de route.

En 2016, l’association des blogueurs de Guinée (Ablogui) a lancé une campagne numérique sur les réseaux sociaux pour dénoncer le calvaire que vivent les citoyens et ainsi pousser les autorités à se pencher sur le problème. Malgré le succès de la campagne auprès des citoyens, la situation des routes guinéennes n’a guère évolué. Tout au contraire, on a l’impression que le président se plaît à narguer les citoyens en se déplaçant avec son hélico même dans la capitale.

Nos routes, des tombeaux à ciel ouvert
La plupart de nos routes, du moins celles que l’on désigne ainsi, affichent un visage hideux. Nids de poule et crevasses empêchant la circulation.
Depuis un certain temps, pas une semaine ne passe sans qu’un cas d’accident routier entraînant pertes en vies humaines et dégâts matériels ne soit signalé. Nos routes sont devenues de véritables abattoirs.
Cependant, pour se faire une idée de la défectuosité de nos routes, il suffit d’emprunter celles qui relient la capitale au reste du pays. En mars dernier, j’étais à Labé, une ville située au nord du pays, à 400km de Conakry. Une distance que nous avons été obligés de parcourir en 12 heures de route, avec des secousses qui vous flanquent des maux de dos et des céphalées. Aujourd’hui, la peur me hante à chaque fois que je dois emprunter ces routes pour un long voyage. Cette peur des accidents et des coupeurs de routes qui, eux aussi, font la loi sur de nombreux axes routiers.
Combien de personnes meurent chaque jour sur nos routes ? Rien de concret n’est fait pour endiguer le phénomène. Impossible de décrire la peine de ses nombreuses familles inconsolables.

Kagbelen, un quartier de la commune de Dubréka. Crédit photo : Adama Hawa

Quelles sont les causes de ces accidents ?
Même s’il est très difficile de déterminer avec exactitude les causes réelles de ces accidents, force est de reconnaître que la responsabilité est collégiale. Les comportements de nature à mettre des vies en danger sont légion sur nos routes : un moto-taxi qui essaie de se faufiler entre deux véhicules, un usager qui force le passage et un autre qui manipule son téléphone. Bien entendu, il y a aussi le mauvais état de nos routes, le non respect du code de la route par certains chauffeurs et leur indiscipline notoire. Sans oublier des agents de la police routière pour certains corrompus jusqu’à la moelle des os, qui arnaquent les pauvres citoyens.

Silence coupable des autorités
Les autorités guinéennes, en plus d’avoir failli à leurs devoirs de construction et de réhabilitation de nos infrastructures routières, ne fournissent aucun effort pour l’entretien de celles existantes afin d’éviter toutes ces pertes en vies humaines. En plus des taxes que payent les usagers de la route, l’Etat prélève sur chaque litre de carburant 300 GNF, soit environ 3 centimes de dollars. Mais l’on se demande où va cet argent et surtout à quoi sert le Fonds d’entretien routier (FER) ?

La prudence sur nos routes devait être la priorité de chaque conducteur en attendant que l’Etat ne veuille trouver de solution pour ces routes devenues des ornières. Chaque conducteur doit prendre conscience que la vie de milliers de personnes dépend de sa bonne ou mauvaise conduite.


Top 7 des conseils prodigués à une mariée

Le mariage étant une union sacrée, chez nos communautés, autant on accorde de l’importance aux préparatifs autant on en accorde aux conseils que l’on prodigue à la mariée.

Dans certaines familles, une semaine avant le mariage, une myriade de conseils, astuces et obligations sont transmis à la jeune mariée par des femmes devenues pour la circonstance des expertes en relations conjugales.

Avant et jusqu’à tout récemment d’ailleurs, en 2013 pour être plus précise, je détestais participer aux cérémonies (mariages, baptêmes etc…) parce que je les trouvais ennuyeuses.

À chaque fois qu’on m’informait de la tenue prochaine d’une cérémonie, je changeais d’humeur et devenais hystérique. Le plus souvent, je trouvais un alibi, allant jusqu’à inventer une maladie pour ne pas y assister.

Je ne saurai dire d’où m’est venu le déclic qui a fait que de nos jours, je suis enthousiasmée à l’idée de participer aux mariages et j’avoue ne pas le regretter puisqu’à chaque cérémonie, je ressors avec des enseignements.

Pour ce billet, j’ai fait une curation des conseils qui m’ont semblé être les plus pertinents. Cette liste n’est pas exhaustive et les conseils varient selon les familles.

1. Il faut toujours mettre Dieu au centre de votre couple, emmène ton homme prier avec toi au lever et au coucher du soleil. La prière est primordiale ;
2. Tu ne formeras qu’un avec ton époux et tu dois être un soutien indéfectible pour lui. Dorénavant, ton paradis se trouve sous ses pieds. Tu dois veiller à son bien-être, tu dois être comme une seconde mère pour lui ;
3. Le mariage est un long chemin parsemé d’épines, le bonheur d’une femme dans un foyer passe aussi par ces sentiers épineux et seules la patience et l’endurance permettent d’atteindre le bout du tunnel ;
4. Tu te dois de l’écouter attentivement quand il parle. Tu ne dois jamais élever la voix sur lui-même si tu es en colère, fais lui confiance sans être aveuglée ;
5. Tu ne dois jamais parler de vos problèmes de couple à l’extérieur, tu ne dois pas l’exposer aux yeux du monde ;
6. L’homme est un enfant qu’il faut savoir dorloter chaque jour. Le secret c’est le ventre et le bas ventre. Veille à ce qu’il mange très bien et qu’il soit sexuellement satisfait, ne te refuse jamais à lui, même quand un différend vous oppose ;
7. Fais de ton foyer un havre de paix d’harmonie et d’amour.

D’après mon constat c’est l’une des périodes les plus stressantes au cours des préparatifs d’un mariage. Bon, cela dit, il faudra m’épargner ce traumatisme. Je connais déjà tous les conseils.


Guinée: Mariée de force à 13 ans, ma vie a basculé…

Le mariage marque notre engagement à vivre à deux avec l’être aimé. C’est un projet de vie qui ne devait concerner normalement que les deux personnes censées s’unir. De nos jours, les parents décident souvent à notre place sans se soucier de l’effet que cela aura sur nos vies.
Un mariage fondé sur la base de l’amour peut supporter n’importe quelle pression extérieure et survivre aux aléas de la vie, mais celui basé sur le matériel et le forcing se brise infailliblement.

Toutes petites déjà, les filles sont éduquées pour devenir des épouses et des mères. La réussite de la femme est souvent jugée à l’aune de celles de son mariage et de ses enfants.

Qu’est-ce qui poussent les parents à donner leurs enfants en mariage à bas-âge? 

Il suffit parfois de faire miroiter aux parents l’illusion monétaire, l’appât du gain les pousse à « vendre » leurs enfants. C’est le cas de mes parents

A cet âge, j’étais immature, insouciante et très naïve, mais pleine de vie et de rêves.

J’avais la tête qui fourmillait de projets. Je voulais, à l’image des autres enfants de mon âge, profiter de mon adolescence.

Je me voyais un jour faire de hautes études de médecine et fonder une famille avec un homme de mon choix.

Eh oui ! Comme tout(e) adolescent(e), je rêvais mais c’était sans compter l’injustice de la société au sein de laquelle je vis. La société peule a des attentes différentes envers les hommes et les femmes. On n’a pas les mêmes droits et chances que les garçons.

Pour mes parents, je n’étais plus une enfant. Il fallait que je sois mariée avec un homme qui a le triple de mon âge, un homme qui vit de l’autre côté de la rive et qui pourra subvenir aux besoins de la famille. Le côté financier comptait plus que mon bonheur.

Comme à l’accoutumée, à l’aurore, maman me réveillait pour faire mes prières. Je me dirigeai vers les latrines pour me nettoyer les dents avec un bâton en bois « malanga » qui fait office de brosse à dent. Il faisait froid et humide ce matin.

A mesure que le temps passe, la température commençait à s’adoucir, je sentais cette bonne chaleur du soleil sur ma peau et ceci me faisait un bien fou mais c’était ignorer que mon destin est déjà scellé avec un inconnu sans qu’on ne m’avise.

Couché sur son hamac, papa me faisait part de sa décision qui est prise selon lui après mûre réflexion et tout ça pour éviter que je ne finisse « vieille fille ».

Ces mots sonnaient comme un coup de tonnerre. Je bouchais mes oreilles, j’étais abasourdie. Je hurlais très fort. Pour une fois dans ma vie, je haussais le ton sur mes parents mais cela n’a fait qu’empirer ma situation. C’était décidé de gré ou de force, je vais rejoindre ce foyer.

A cet instant précis, je compris que mon sort est scellé, je m’enfermais dans ma bulle. L’idée d’une fugue me venait en tête mais où devais-je aller ? Que serais-je après ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi ne m’a-t-on pas donné l’occasion de choisir mon époux et de réaliser mes rêves ?

Tous les sentiments étaient mêlés en moi : la haine, la peur, la tristesse et l’incompréhension la plus totale

Psychologiquement, je n’étais pas préparé à affronter le mariage. Je passais mon temps à prier pour qu’un miracle se produise pour me sortir de ce pétrin. Hélas, ces prières ne seront pas entendues.

J’étais encore trop jeune et je ne connaissais rien au monde des adultes dans lequel j’allais plonger dans les heures qui suivent

J’étais pétrifiée, j’avais l’impression que la terre se dérobait sous mes pieds et que le monde entier s’était réuni pour comploter contre moi. Je croyais que mon cœur allait sortir de ma poitrine.

A 14 ans, je me retrouve mère d’une petite fille née après une césarienne. Je vis sous le toit d’un homme qui n’a pas la même vision des choses que moi, qui n’est jamais présent. Ma fille grandira sans jamais connaître ce qu’est l’amour paternel.

J’en veux encore à mes parents, à mon entourage pour cette trahison. Mais je ne pourrais jamais revenir en arrière. Une chose est certaine, je me battrai pour que ma fille n’ait pas à subir la même chose.

Cette histoire bien que fictive décrit la réalité que vit beaucoup de jeunes filles.


Rites du pagne nuptial : une tradition encore présente

La virginité c’est l’état pur d’une chose ou d’une personne, elle revêt encore une connotation positive dans certaines familles guinéennes. Pour elles, être vierge est un signe de retenue, de pudeur et de chasteté. Pour certains parents, le jour d’après le mariage, la femme doit être comme au jour de sa naissance. J’ai toujours été intriguée par les rites qui accompagnent le pagne nuptial mais cela est considéré comme un événement majeur dans la vie de la femme dépucelée.

Il était 17h 55’ TU ce dimanche, j’étais couchée sur le divan et lisais pour la nième fois le livre d’Amadou Hampâté «Amkoulel l’enfant peul » lorsque des voix de femmes attirèrent mon attention ; je sortis pour voir ce qui se passait : on venait de ramener une jeune fille mariée il y’ a une semaine. Elle vient d’honorer toute sa famille. Il y avait du beau monde pour glorifier cette jeune mariée. Elle était vêtue d’une robe « leppi », tissu local du Fouta Djallon, chaussait une paire faite de la peau de vache appelée « gouri ». A défaut des « lotchai » ou colliers de perles rouges, son front et ses oreilles étaient ornés par des noix de colas rouges et des billets de banque neufs. Derrière le voile qui couvrait une partie de son visage, on lisait pourtant la gêne. Les femmes chantaient des louanges en son honneur et à celle de sa mère qui a su, dit-on, lui donner une bonne éducation.

Après les « salamalecs » d’usage, la griotte prit la parole pour expliquer les raisons de ce déplacement. S’en suivirent les rites. Dans la calebasse que sa belle-mère portait au dos, se trouvaient 17 noix de colas exclusivement rouges et le pagne nuptial. Selon la coutume, la belle-mère de la mariée doit ramper à 4 pattes pour remettre cette calebasse et son contenu à la mère de la mariée. Elles se congratulent, dansent et apportent des cadeaux à la mariée. Cette dernière reçoit les bénédictions de ses parents et doit passer quelques jours auprès de ceux-ci avant qu’ils ne la raccompagnent chez son époux avec tout le nécessaire dont elle aura besoin pour bien gérer son foyer.

Rituels du pagne nuptial « woudèrè foutou » : Si jadis, le pagne nuptial était récupéré par des vieilles qui veillaient devant la porte du couple la première nuit de noces, de nos jours, au sein des familles où cette tradition est encore ancrée, c’est à la mariée de rendre le pagne à ses belles-sœurs.

Tous les parents proches des deux familles sont informés. Puis, ils ont une drôle de façon d’informer les autres membres de la communauté. Chez les peuls, on dit à la personne que l’on veut informer « Tédougalmön djiwo ön kö sénidhö » (sachez que la fille est jeune).

Les vieilles personnes se réunissent avec la griotte pour scruter le pagne afin de s’assurer qu’il est bien maculé du sang virginal avant de procéder aux rites et accompagner la mariée chez ces parents. Ces vérifications sont nécessaires pour éviter de tomber dans le piège de nombreuses jeunes filles qui font recours aux nouvelles techniques médicale comme l’hyménoplastie qui est une chirurgie qui permet de redevenir vierge. Selon des indiscrétions, il existe une grande différence entre le sang virginal et celui provenant de la chirurgie. Mais seules les personnes expérimentées peuvent faire la différence. Encore que la capacité même de faire cette distinction est sujette à débat.

Faut-il abandonner cette tradition ?                                            

Si je suis d’avis avec ceux qui disent qu’il faut garder nos traditions et mœurs, je ne suis pour autant pas d’accord avec la préservation de certaines traditions comme celle sur l’authentification de la virginité. En effet, même si le pagne n’est plus exposé aux yeux de tout le monde, il y a quelque chose d’inadmissible dans le fait de violer l’intimité du couple. Cette dernière ne regarde que les deux époux et  ils n’ont de compte à rendre à personne. Il est temps que nos parents se départissent de cette tradition très honteuse et qui ringardise davantage nos sociétés. D’autant que les mariées que l’on prétend célébrer vivent la pratique avec un malaise certain. Ainsi, O.B, comptable de profession, l’a subie une semaine après son mariage. Mais elle en parle encore avec une pointe de dégoût :

 « Une semaine après mon mariage, les tantes paternelles de mon époux sont venues me chercher pour me ramener chez mes parents, il y avait du beau monde, les gens me lançaient des regards, épiaient mes pas et j’étais mal à l’aise. Mon seul souhait était de disparaître à ce moment. J’étais certes heureuse parce que j’ai honoré ma maman mais j’étais loin de m’imaginer que cela allait faire l’objet d’une cérémonie. On doit bannir cette tradition car, la virginité n’est pas un facteur déterminant pour l’épanouissement d’un foyer. Une fille peut perdre sa virginité sans pour autant entretenir des rapports sexuels. On ne doit pas s’en tenir à l’hymen car certaines filles peuvent naître sans hymen et d’autres peuvent le perdre avec un accident ou le sport. Malheureusement dans nos familles, dès qu’une fille n’est pas vierge, on pense qu’elle est une dévergondée »

Par ailleurs, pense-t-on aux conséquences que le maintien de cette pratique engendrerait dans le cas où l’authentification révélerait que la jeune mariée n’est pas vierge ? Que ferait-on alors ? A propos, je me rappelle de cette triste histoire qui renforce encore mon hostilité contre cette pratique rétrograde. Il y a une dizaine d’années, dans un quartier de la haute banlieue de Conakry, un homme d’âge mûr, après deux mariages avec des femmes de « deuxième main », était obsédé par l’idée d’épouser une fille vierge. Il épousa alors une fille de 17 ans. Mais la nuit même de leurs noces, grand fut son désenchantement de découvrir que son épouse n’était pas vierge. Il l’a roua de coups, la ramena chez ces parents et exigea le divorce. Les parents de la jeune fille, plus préoccupés par la honte et le déshonneur dont ils s’estimaient couverts par la fille que révoltés par les traitements infligés à cette dernière, ne pensèrent même pas à porter plainte. Malheureusement, des histoires dramatiques comme celle-là, il en existe des dizaines dissimulées sous le sceau du tabou. Et même à supposer que le divorce n’est pas envisagé, pense-t-on à la suspicion et au déficit de confiance que cette tradition instaurerait de facto entre les conjoints ?

C’est dire qu’on devrait faire preuve de lucidité pour réaliser que cette pratique n’a pas sa raison d’être. Elle n’est plus d’aucune fonction sociale. Alors qu’elle est un facteur d’implosion des couples et une violation de l’intimité sacrée des conjoints.


Stérilité masculine : les femmes, victimes collatérales

Quand j’ai envie de « tuer » le temps ou réfléchir, je vais me poser dans l’une des Blue zone de la capitale pour lire et écouter de la musique ou dans une pâtisserie. Ce week-end, j’ai dérogé à la règle et décidé de changer cette routine. Je me suis ainsi rendue chez une amie pour filer mes cheveux. Sur place, 6 jeunes dames, assises à la véranda et qui échangeaient. Au menu de la discussion : la polygamie, l’excision, des astuces sur comment garder un homme, etc…La discussion allait bon train jusqu’à ce que 2 femmes restées de marbre tout ce temps décident d’introduire le sujet de la stérilité masculine dans les échanges. Soudain, tous les regards sont devenus crispés et un lourd silence
retentit. Le sujet est tabou et à la base de l’enfer que vivent beaucoup d’épouses. D’ailleurs, il était aisé de voir avec quelle envie chacune voulait en parler, partager son expérience, son vécu…

Dans la société guinéenne en générale, il est plus aisé de parler de la stérilité des femmes que celle des hommes. Le fait de l’évoquer est considéré par certains comme une atteinte à la dignité et à la virilité de la gent masculine.

Dans les familles, il est inconcevable qu’une femme, après des années de mariage, ne puisse pas donner un enfant à son époux. Celles qui tardent à concevoir sont victimes de toutes sortes d’ignominies et souvent pointées du doigt par leurs belles-familles. Elles souffrent le martyr en silence, n’osant pas évoquer cette question de stérilité masculine. Aux yeux de la société ce sont elles les fautives par ricochet les seules à blâmer. Pour certaines familles, un homme ne peut pas être stérile lorsque toute son ascendance est féconde.

Certains hommes même étant au courant de leurs situations se refusent (gêne ou lâcheté ?) à l’avouer à leurs parents ou à suivre des traitements par pure autolâtrie. Ils choisissent de donner leurs conjointes en pâture.

Quoi que différentes notamment du point de vue physique, les deux dames dont je parle plus haut avaient néanmoins quelque chose de fâcheux en commun : Partager la vie avec un homme stérile.

D’abord, la première, K.D, la quarantaine révolue, est de teint noir et grande de taille, avec un beau sourire qui laisse apparaître sa belle dentition. Mariée à un cousin depuis près de 13 ans, elle a vu son rêve de devenir mère se  briser 3 ans juste après son mariage, lorsque son époux lui avoua tout de go sa stérilité. C’est avec une gorge nouée, les yeux embués de larmes qu’elle en parle aujourd’hui encore :

« Après mes 3 premières années de mariage, ne parvenant toujours pas à faire d’enfants malgré tous les traitements et examens subis qui affirmaient que je n’avais aucun problème à concevoir ; et face à mon obstination de savoir le pourquoi, mon mari m’avoua qu’il est stérile et que je ne porterai jamais ses enfants. Quelques temps après des tests confirmèrent cette annonce.  J’étais partagée entre l’amour que je lui porte et ce désir ardent d’être mère. L’attitude de mes belles-sœurs qui ont commencé à me mener la vie dure n’arrangeait pas les choses. Elles me lançaient tout le temps des propos injurieux. J’étais devenue la risée de tout le monde, mais mon devoir de femme et les exigences de la tradition m’empêchaient de révéler la vérité. Elles ont voulu lui trouver une autre épouse pensant qu’il pouvait avoir d’enfants ailleurs. Face à son refus, elles ont rejeté la responsabilité sur moi en disant que je l’avais ensorcelé. Je portais ce poids sur le cœur, supportais les sarcasmes de la société, les insanités verbales de mes belles-sœurs. Dieu seul sait le nombre de nuits blanches que j’ai passé à l’implorer afin qu’un miracle se produise. »

Aujourd’hui, K.D a un enfant adoptif âgé de 7 ans et vit bien avec son époux. Pour elle son désir de porter un enfant issu de ses entrailles ne se réalisera jamais car ayant fait le choix de rester auprès de son époux malgré tout.

Si K.D a su supporter les ignominies et les gouailleries de ses belles-sœurs tel n’a pas été le cas de M.S, la trentaine bien révolue. Après 6 ans de mariage et ne pouvant plus supporter la pression sociale, les exigences des deux familles et le refus de son époux de suivre un traitement, elle a décidé de divorcer. Pour elle, il est mieux de vivre avec le statut de célibataire ou de femme divorcée que de vivre sous le toit d’un homme stérile et subir toutes ces brimades.

A la fin de ses récits, tout l’auditoire avait les larmes qui coulaient et fort intérieurement je priais Dieu afin qu’Il mette les autres femmes à l’abri de ce supplice. Mais je sais qu’il est vain d’entretenir une illusion. Des victimes de cette attitude sociale très partagée, il y en aura toujours, hélas. Je suis restée admirative face à l’intrépidité de dame K.D qui, malgré les coups de la vie, ne s’est pas laissée aller à la dépression et a accepté son destin.

La facilité d’expression, cette liberté de ton de ces dames sur un sujet « défendu » en public m’a charmé.

A la base, j’étais partie pour changer d’air et filer mes cheveux, mais je suis rentrée avec des enseignements. Cette journée fut pour moi un moment de partage d’émotions intenses. Alors je pose cette question qui me turlupine l’esprit :

A la place de ces femmes, combien d’hommes auraient supporté une femme stérile sans se remarier ?