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Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre II : Le questionnement

La nuit recouvrait maintenant la ville de Conakry, un vent frais soufflait dehors. Du balcon de leur immeuble, silencieuse, Khadija, levait les yeux au ciel. Seules quelques étoiles luisaient encore. Inconsciemment, Khadija les observait en espérant y voir le signe qu’elle n’était pas née sous la mauvaise.

Plus aucune âme vivante n’errait lorsque Dija décida de rejoindre sa chambre, elle savait que Morphée ne viendrait pas à elle de sitôt ; alors elle se mit à farfouiller dans ses affaires. Elle ne cherchait rien de particulier, mais c’était sa façon d’occuper son esprit. C’est quelques heures après que des interrogations envahirent son esprit. “Pourquoi il a fallu que ça soit moi?” “Pourquoi les parents ne nous laissent-ils pas faire nos choix?” “ Est-ce une tradition familiale ? Est-ce une prescription religieuse ?” Khadija savait que l’endogamie est une pratique courante dans beaucoup de familles peules, mais de là à décider du sort d’une personne avant même sa naissance, elle en était stupéfaite. C’est sur ses interrogations que l’intrépide Khadija finit par trouver le sommeil.

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Khadija passa une des nuits les plus tourmentées de son existence. Ce qui la tourmentait cependant, ce n’était pas tant le fait que son destin soit scellé avant sa naissance. Mais comment annoncer cette nouvelle à Ousmane. Ousmane et Khadija se sont rencontrés pour la 1ère fois à l’occasion d’une conférence à l’UGANC. Tout de suite, le courant passa entre les deux. Ils décidèrent de garder le contact. Khadija était fascinée par le courage et l’intelligence d’Ousmane. Sa culture générale et son sens de la loyauté, l’impressionnaient. Au début, ce n’était juste qu’une simple amitié. Au fur et à mesure que leur relation se raffermissait, une sorte de complicité s’installait entre eux. Ils apprirent à s’apprécier et à se respecter mutuellement. Il la subjuguait au gré des échanges. Quelques mois après, ils commencèrent à discuter de mariage, mais Khadija n’était pas prête à se passer la corde au cou. Pas avant d’avoir trouvé un job, se disait-elle intérieurement. Elle demanda à Ousmane de lui accorder un peu de temps pour bien réfléchir et trouver le moment opportun pour en parler avec ses parents. Manifestement, ce moment n’arrivera jamais pour Khadija et Ousmane. Khadija décida d’envoyer un SMS laconique à Ousmane. “ Salut Ousté, j’aimerais qu’on se rencontre ce soir à 17 h à la plage Lambangni, il faut que je te parle. C’est urgent!”

Dehors, le soleil entamait son passage au zénith, Khadija, assise encore sur son lit ressassait sa discussion de la veille avec ses parents. Elle confina tout cela dans son journal intime. Sa mère sur le pas de la porte de la chambre observait Khadija depuis plusieurs minutes, les cernes et les yeux bouffis de sa fille lui brisaient le cœur. Mais il fallait qu’elle ait cette discussion. Elle savait que sa fille n’était peut-être pas prête pour aborder ce sujet, mais mère Khadija ne comptait plus repousser les délais. A quoi bon d’attendre. Autant en finir maintenant. Khadija sentit la présence de sa mère et l’invita à rentrer. C’est Khadija qui brisa le silence en premier.

  • Maman, dis-moi que tu n’es pas d’accord avec cette décision de papa ? C’est mal ce qu’il a fait et tu le sais.

  • Ma fille, cela n’avait rien à voir avec le bien ou le mal, avec le fait d’aimer ou de ne pas aimer. Ton papa a fait ça pour raffermir les liens familiaux. Parfois, la seule chose qui compte, c’est de faire ce qu’on a à faire. Et il devait le faire pour ressouder les liens de famille. Crois-moi, j’ai passé des années à essayer de faire entendre raison à ton père, mais j’ai fini par comprendre et accepter. Tu dois aussi accepter ce mariage pour ton bien et celui de la cohésion de notre famille. Après tout, ton père s’est beaucoup investi dans ton éducation. Contrairement à de nombreux parents, il a attendu que tu sois diplômée pour décider enfin de fixer la date du mariage. En plus, Chérif n’est pas si mal que ça, il a une bonne éducation et travaille. Qu’est-ce qu’on peut vouloir de plus pour son enfant.

  • De toute évidence, il a fait tout ça pour soulager sa conscience puisqu’il a décidé de mon sort avant même que je ne voie le jour. Je me rends compte qu’il ne m’a jamais aimé.

Ces derniers propos de Khadija touchèrent particulièrement sa mère. Elle en fut verte de colère. A tel point que ne se maîtrisant, elle administra une paire de gifle à sa fille, avant de lui crier dessus

  • Ne t’avise plus jamais de parler comme ça, encore moins hausser le ton devant moi. Ce mariage aura lieu que tu le veuilles ou non. Tu as intérêt à réfléchir sagement.

Mère Khadija sortit de la chambre en claquant la porte, si elle trouvait légitime la colère de sa fille, elle ne tolérait pas sa grossièreté. Outrée par les propos de sa fille, mère Khadija se demanda même si elle n’avait pas failli à l’éducation de cette dernière ?


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre I : La fameuse nouvelle

Ce soir-là du 15 février 2008, couchée sur le dos, Khadija, voguait sur un petit nuage enivrée par un torrent de bonheur. Après l’obtention de son diplôme en Economie Finance, la jeune fille avait trimé pendant des mois à la recherche de son 1er stage. Et elle avait fini par décrocher le précieux sésame ; C’était la veille. Ce qui expliquait sa joie. Elle voulait prolonger un peu sa sieste, mais elle savait que cela risquait de lui coûter cher. Elle avait remarqué que sa mère était à cran ces derniers jours et ne voulait surtout pas subir de nouveau les remontrances de cette dernière. Elle sortit nonchalamment du lit et décida de ranger le désordre qui s’y trouvait.

Dehors, le soleil achevait sa course, mais une chaleur suffocante demeurait encore. Khadija guettait le moment propice pour annoncer la bonne nouvelle à ses parents. Son papa serait encore plus fier d’elle, se disait-elle !

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Khadija, était très proche de ses parents, surtout de son père. Ce qui lui valait la jalousie de ses frères. Elle était la préférée de papa. Ils étaient complices et confidents. Elle n’avait aucune gêne à lui parler de ses problèmes, à discuter avec lui de politique, à lire ensemble des livres. Son père était un cadre dans un ministère de la place. Malgré ses nombreuses missions liées à sa fonction, il a consacré toute son énergie et son temps à l’éducation de sa fille : la prunelle de ses yeux. Il lui avait donné une éducation masculine sans pour autant lui ôter sa féminité. Elle avait le droit de s’exprimer haut et fort, ses opinions, bien que souvent divergentes de celles de ses parents ; avaient toujours compté aux yeux de son daron.

Sa mère quant à elle, était une pure autodidacte, femme au foyer. Elle, non plus, n’avait ménagé aucun effort pour l’éducation de Khadija. Contrairement à sa relation avec son père, Khadija n’était pas aussi proche de sa mère, elle trouvait cette dernière plus autoritaire que son père.

Le brusque changement d’attitude de ses parents commençait sérieusement à l’inquiéter. « Mes frères ont-ils des problèmes à l’extérieur ? Mais si c’était le cas, papa m’aurait mis dans la confidence. Diantre, qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Que me cache-t-on ? » Elle était encore perdue dans ses questionnements lorsqu’elle entendit le bruit des klaxons du véhicule de son papa. Elle accourut prendre son sac ; ce qui n’était d’ailleurs pas dans ses habitudes. Elle voulait jauger son père pour pouvoir engager la conversation. Mais ce dernier n’était pas disposé à l’écouter, du moins pas avant de s’être débarbouillé.

  • Papa, je veux te parler. J’ai une bonne nouvelle et je suis sûre qu’elle te rendra fier de moi, essaya-t-elle.

  • Pas maintenant Dija, on aura une discussion sérieuse avec ta mère après le dîner, lui répondit sèchement son père.

Khadija se ravisa et décida de prendre son mal en patience.

Ils étaient maintenant tous assis au salon. Un silence assourdissant régnait dans la pièce. Silence que le père de Khadija décida de briser.

  • Dija, tu sais que j’ai toujours fait passer ton bonheur avant celui de tes frères et que je suis prêt à tout pour te voir heureuse…

  • J’en suis consciente père, mais pourquoi tu me dis tout ça et surtout aujourd’hui ? T’es malade ou tu as des problèmes au boulot ?

  • Rien de tout cela ma fille…mais j’ai fait une promesse à ta tante Ramatoulaye, bien avant ta naissance et que je compte bien la tenir. Ma fille, ma parole est précieuse et la préservation des liens familiaux est plus importante que n’importe quoi au monde.

La seule évocation de ce nom fit tressaillir Khadija, mais elle ne laissa pas apparaître son trouble. En effet, sa tante avait une grande emprise sur son père et ce dernier avait un respect religieux pour elle. Sa tante était responsable de son excision à 6 ans et cela, elle n’était pas prête à l’oublier. Khadija, savait d’ores et déjà que la suite de la conversation n’allait pas lui plaire, mais elle n’avait pas d’autre choix que d’écouter la suite.

  • Quelle est cette promesse papa ?

  • Ta maman était encore enceinte de toi quand j’ai promis à ma sœur que si t’étais une fille, tu serais l’épouse de son fils Chérif. Et aujourd’hui que t’as 24 ans et que t’as désormais ton diplôme, Chérif étant de retour, nous avons décidé de sceller votre union dans quelques mois.

  • ………….

Il lui a fallu de longues minutes pour assimiler la nouvelle et réaliser ce dont il s’agissait. Khadija avait les mains moites, elle était abasourdie, pouvant à peine articuler…Non, son père ne lui avait pas fait ça, il tenait trop à elle pour sacrifier son destin.

  • Euh…Papa, c’est insensé tout ça. Tu sais bien que je considère Chérif comme un frère, je ne peux pas me marier avec lui.

  • Je vois que je t’ai trop gâtée pour que tu te permettes de discuter mes ordres ou me dire ce qui est sensé et ce qui ne l’est pas. Tu vas épouser Chérif et c’est tout ! Je ne reviendrai pas sur ma parole et perdre ma face.

  • Papa s’il te plaît, ne me fais pas ça, je ne l’aime pas

  • Khadija, à ton âge qu’est-ce que tu sais de l’amour ? Cette discussion est terminée, jeune fille !

S’adressant à sa femme, le papa de Khadija décrète ensuite :

  • Tu as intérêt à faire accepter cette proposition à ta fille…sinon, tu sais ce qui se passera.

La mère de Khadija était prise entre deux feux : d’un côté, sa fille qui ne voulait pas entendre parler de ce mariage et de l’autre, un époux qui ne lui laissait vraiment pas le choix. Elle appréhendait ce jour et avait usé de tous les moyens pour amadouer son époux, mais elle savait aussi à quel point ce dernier tenait à sa sœur et à sa parole. Il ne lui restait plus qu’une chose, convaincre sa fille d’accepter.

Pour la petite histoire, Tante Ramatoulaye est la sœur aînée de 7 ans du père de Khadija. Ils sont les deux enfants que leur mère avait mis au monde. Et puisque la mère était tout le temps souffrante, tante Ramatoulaye a été contrainte de grandir avant l’âge en apprenant à faire le ménage, les travaux champêtres et à s’occuper de son frère qui était encore fragile. Quelques années plu-tard, sur son lit de mort, la grand-mère de Khadija avait enjoint au père de cette dernière de toujours prendre soin de sa sœur Ramatoulaye et de ne jamais la désobéir.

Il faut dire que jusque-là, le père de Khadija avait su tenir la promesse faite à sa mère. Il a toujours fait passer les intérêts de sa sœur avant ceux des autres membres de sa famille. Et il n’entendait déroger à la règle. Y compris vis-à-vis de sa fille.


Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?

Nous sommes au mois de juillet, mon vol vient d’atterrir à l’aéroport de Gbessia. Le ciel de Conakry est sombre. Une forte tempête se prépare. Je me hâte de récupérer mes bagages et de sortir retrouver les miens. A peine dehors, j’aperçus de loin maman. Elle me faisait dos et tenait de la main mon neveu. Ils étaient venus m’accueillir. Je me précipitai de les serrer très fort dans mes bras. Qu’est-ce qu’elle m’avait manquée cette chaleur maternelle ? Maintenant que je suis là, je compte bien en profiter me dis-je avant de monter à bord du véhicule. La voiture déboule en trombe, direction la maison. Cela fait 5 ans que j’ai quitté le pays de mes ancêtres avec mes 2 enfants pour fuir mes démons et toutes ces choses qui m’assujettissaient, m’empêchaient de m’épanouir, de voir clair dans mon avenir.

Assise derrière, je posais ma tête sur la vitre et contemplais la ville. Je repensais à ma vie d’il y a plus de 10 ans, à toute la souffrance endurée après le divorce de mon 1er mariage et le décès de mon deuxième mari. Tous les deux m’en n’ont fait voir de toutes les couleurs. J’ai porté plusieurs masques durant ces années : épouse forte, résiliente, courageuse, soumise et presque parfaite. Aussi bizarre que cela puisse paraître, je n’ai plus de ressentiments envers eux, je n’ai aucune envie de prendre ma revanche. Non, j’ai tourné cette page sombre. C’est déjà ça ! Aujourd’hui, je ne pleure plus, je désapprends la colère. Ce n’est toujours pas facile de pardonner après tout ce qu’ils m’ont fait subir. Dorénavant, mes enfants sont ma seule consolation.

Tant de choses ont changé depuis, je ne suis plus cette personne qui avait besoin des autres pour s’en sortir ; je me suis construite une carapace beaucoup plus solide, je suis en mesure de dire que plus rien ne me brise. Décider de revenir affronter mes démons est, je crois du moins, de loin la plus courageuse décision que j’ai prise de toute mon existence.

Nous venons d’arriver à la maison. C’est maman qui m’a tirée de mes pensées. Elle m’avait observée tout ce temps sans rien dire, je parie qu’elle se demande à quoi je pensais ?

Je lâche un soupir en me demandant comment je vais pouvoir les supporter ? Est-ce que je vais pouvoir me réadapter et faire fi du regard des autres ? Il y a quelques minutes encore, j’étais persuadée de pouvoir y arriver, mais là maintenant je n’en suis pas si sûr !

Je m’appelle Khadija Diallo, benjamine et unique fille d’une fratrie de 4 enfants, mère célibataire (est-ce le bon terme ?) de 2 enfants. Ma vie n’a jamais été facile depuis mes 24 ans. C’est en effet l’âge qui était le mien quand mon père a décidé sans mon consentement de me donner en mariage à un cousin côté paternel. J’étais, semble-t-il, sa promise depuis ma naissance. Sauf que cela, je l’ignorais jusqu’à cette fameuse réunion. En tout cas, depuis, ma vie n’a pas été de tout repos. Entre brimades, coups d’un mari véreux, imbu de sa personne, colérique et une famille hypocrite, j’ai tout subi. Je voyais mon monde s’écrouler chaque matin jusqu’au jour où j’ai enfin décidé de prendre les choses en main. L’histoire de ma vie n’est pas du tout reluisante et ce n’est pas non plus facile de me jeter en pâture en vous la racontant.


Le système sanitaire guinéen, au-delà de l’imaginable

Après des mois d’hibernation de mon blog due à mes occupations et au syndrome de la page blanche, je me demandais quand est-ce que j’allais reprendre ma plume. Mais la vidéo de dame Djenabou Diallo, victime de notre système sanitaire défaillant et de l’inhumanité de certains médecins, m’a sortie de ma léthargie.

Dans cette vidéo, la victime expliquait les conditions exécrables et inhumaines dans lesquelles des médecins l’ont forcée à accoucher, elle était enceinte de jumeaux qui n’ont malheureusement pas survécu. Cette vidéo m’a mise dans tous mes états, j’étais choquée, partagée entre l’incompréhension et la révolte.

Je me demande encore comment la victime a pu tenir pendant les mois qui ont suivis son accouchement. Elle a décidée de réagir et d’intenter un procès au gynécologue qui l’a forcée à accoucher dans des conditions inacceptables. Je suis subjuguée par son courage et sa détermination à aller jusqu’au bout, elle le fait avant tout pour éviter que cela n’arrive à d’autres personnes. Même si ma jeune expérience de citoyen guinéen me fait penser qu’il est vain de croire que ce genre de pratique cessera dans un pays comme la Guinée, où la justice ne joue pas son rôle.

Le médecin mis en cause dans cette vidéo est, semblerait-il, l’un des meilleurs gynécologues du pays, mais aussi le plus grossier qui soit…

Hôpitaux, « mouroirs » insalubres :

Il y a deux ans, dans le billet intitulé La face exécrable du système sanitaire guinéen, je décrivais la face hideuse de notre système sanitaire ; depuis rien ne s’est amélioré, aucune initiative n’est prise par les décideurs pour changer la donne. En Guinée, en 2018, les hôpitaux sont des « mouroirs » : femmes, enfants et vieux meurent dans des conditions inacceptables. Les structures sanitaires manquent cruellement d’équipements adéquats, ce qui explique les erreurs de diagnostics trop nombreuses que commettent nos médecins. Il est fréquent de voir un même médecin établir deux diagnostics différents pour le même patient !

Qu’il s’agisse des hôpitaux publics ou des cliniques privées, le résultat est le même. Les salles dans lesquelles les malades sont admis sont décrépites et exiguës. L’Institut de nutrition et de santé de l’enfant (INSE), le seul dans la capitale guinéenne à accueillir les prématurés, se trouve dans une situation alarmante. Les rares couveuses qu’on peut y trouver sont vétustes, chats, moustiques et autres bestioles servent de compagnons aux nouveau-nés. De plus, dans les salles, la chaleur est étouffante.

On se souvient que la maladie du virus Ebola avait mis à rude épreuve notre système sanitaire. Les fonds récoltés pour lutter contre Ebola auraient pu (dû) servir à la réhabilitation et à l’équipement des hôpitaux ainsi qu’à la formation du personnel… mais rien n’a changé. Comment ont été dépensés ces fonds, à quoi ont ils servis ? A ce jour, personne ne saurait dire comment ils ont été utilisés.

Autre exemple : le CHU de Donka qui est en pleine rénovation. Il est à craindre que la rénovation se limite juste au bâtiment… Est-il prévu notamment d’y adjoindre des équipements adéquats répondant aux normes ? Des formations sont-elles également envisagées pour le personnel ? Rien n’est moins sûr …

Une des faces sombres du système sanitaire guinéen, c’est l’insalubrité de ses structures. Les pièces sont vieilles et sales, les toilettes dégagent une odeur nauséabonde, on trouve des seringues usagées, des paires de gangs usés… jetés çà et là. C’est consternant.

Médecins insolents :

Aujourd’hui, certains médecins effraient plus que les maladies et les pathologies. Votre premier lien avec eux, c’est ce regard plein de dédain qu’ils vous lancent alors qu’ils sont censés vous réconforter (ou du moins faire semblant). Leur inhumanité est juste effrayante.

En général, un patient a besoin de réconfort de la part de son médecin. Mais la plupart d’entre eux ne semblent pas le savoir ou du moins refusent d’appliquer les bases d’une bonne relation entre les patients et eux. Ils se fichent complètement de l’état d’esprit de leur patient, y compris lorsqu’il s’agit d’une femme qui accouche. Entre haussement de ton et invectives, tout est réuni pour vous saper le moral. Comment expliquer cela ? C’est vraiment à se demander s’ils n’ont pas une pierre à la place du cœur.

Je ne me suis pas encore retrouvée dans un lit pour accoucher, mais pour avoir assisté à deux accouchements, je sais que l’accouchement est le moment le plus important et le plus douloureux de la vie d’une femme. C’est dire aussi que c’est le moment où elle a le plus besoin de soutien, et de tendresse. Surtout, ce n’est donc pas le moment qu’on lui sape le moral ou qu’on l’invective.

Entre fatalisme et résignation :

Je ne connais pas de peuple aussi résigné et fataliste que celui de la Guinée. Pour bon nombre de mes concitoyens, tout ce qui arrive découle de la volonté de Dieu, quand bien même ils sont responsables de la situation. Il est vrai que nul ne peut modifier le dessein de Dieu, mais il y a  tout de même des choses que lon peut éviter. Il suffit juste d’avoir de la volonté et de la bonne foi, ce qui manque encore aux Guinéens.

Je disais plus haut dans ce billet que j’étais impressionnée par la détermination de la dame qui a accouché de jumeaux malheureusement morts. Elle a tenu à rendre justice là où certains se seraient résignés et auraient décidé de tout remettre entre les mains de Dieu. Sa démarche est compréhensible. Elle veut éviter qu’un tel drame se reproduise, elle poursuit donc en ce moment le médecin en justice. Un médecin qui ne respecte pas ses patients et qui fait une grave faute doit être signalé et sanctionné ! Sinon rien ne changera ! Certes, cela ne rendra pas ses enfants à cette femme, et cela  n’effacera pas tout ce qu’elle a subi. Mais ce sera une forme de réparation face à l’injustice qu’elle a vécue et cela enverra un message fort pour servir d’exemple aux autres.

Quand le Guinéen sortira de sa résignation pour être plus exigeant envers ceux qui dirigent, les gens cesseront de mourir pour rien. Mais en attendant, continuons avec notre phrase fétiche : « A Dieu de rendre justice ».

 


Mutilations génitales féminines, au-delà de l’horreur…

Les mutilations génitales féminines (MGF) consistent à lacérer les organes sexuels d’une femme ou à procéder à leur ablation. Cette pratique existe depuis des lustres et est considérée comme un rituel qui vise à préparer la fille à une vie de femme.

Crédit Photo: kassoum_kone CC

 

Elle est pratiquée dans de nombreux pays au monde. En Guinée, les MGF sont pratiquées par toutes les communautés. Selon une classification de l’OMS, on distingue quatre types de mutilations génitales féminines :

  1. la clitoridectomie : ablation partielle ou totale du clitoris (petite partie sensible et érectile des organes génitaux féminins) ;
  2. l’excision : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres (replis internes de la vulve) ;

  3. l’infibulation : rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, réalisé en sectionnant et en repositionnant les petites lèvres parfois par suture ;

  4. les formes inclassables : toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales.

    Il y en a toutefois une forme que j’ai découverte récemment qui, peut-être, est de cette dernière catégorie. En tout cas, elle est particulièrement abjecte à mes yeux.

    Le « notougol » (c’est le terme utilisé en pular pour la désigner) consiste, après l’excision, à laisser la plaie se cicatriser sans la nettoyer afin de permettre une coagulation du sang ou alors à utiliser des substances ou des herbes corrosives pour boucher l’entrée, en ne laissant qu’un petit orifice pour les urines et les menstrues. Ces deux pratiques sont censées empêcher la fille de perdre sa virginité et tempérer ses pulsions sexuelles jusqu’au mariage.

    Personnellement, j’avoue que jusqu’au moment où j’ai discuté avec une amie l’ayant subie, j’ignorais de quoi il s’agissait.

    Mon amie a subi cette avanie à l’enfance et cela a failli lui coûter la vie. Du fait de cette pratique, elle s’était trouvée dans une situation où pour avoir des relations sexuelles avec son époux, elle avait le choix entre subir une intervention chirurgicale ou se faire inciser par une exciseuse. Entre deux maux, elle a vite fait le choix du premier, car vivant encore avec le traumatisme du « notougol ». C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée au bloc le jour de sa nuit de noces. Autre conséquence liée à cette pratique d’un autre âge, elle vit désormais avec l’appréhension chevillée au corps. Parce que le diagnostic de son gynécologue est sans appel : elle ne pourra « peut-être » jamais accoucher par voie basse. Et dire que c’est là un moindre mal ! En effet, avec l’incision, l’autre choix qui était à sa disposition, elle courait le risque d’y laisser la vie ou tout au moins de s’en tirer avec des effets irréversibles sur sa santé sexuelle ou psychique.

    Je suis encore choquée et horripilée, même si je crois que ces mots sont faibles pour décrire l’état dans lequel je me trouve. Comme si la douleur qu’inflige l’excision à elle seule ne suffisait pas, pourquoi faut-il en rajouter ? Comment peut-on être aussi cruel et insensible ?

    Malheureusement comme l’a dit mon amie, cette flétrissure ne pourra jamais s’effacer. Le mal est tellement profond qu’il faut que chacun agisse de son côté pour emmener les parents à comprendre le caractère nuisible et avilissant des MGF.